Les impostures du CEMO, lobby pro égyptien et pro émirati

21/05/2019 – La redaction de Mondafrique

Prêt à dénoncer « le lobby juif » et à frayer avec Marine Le Pen, le Centre des études Moyen-Orient (CEMO) prétend avoir le soutien d’éminents spécialistes. Seul souci, ce lobby pro égyptien, financé par les émiratis, ne demande pas aux intéressés leur accord pour publier leurs textes.

Savez-vous pourquoi le Centre des études du Moyen-Orient (Cémo) s’est installé à Paris voici deux ans? Son directeur-fondateur, l’Égyptien Abdelrahim Ali, qui est l’homme du maréchal Sissi en Europe, l’explique dans un petit ouvrage intitulé L’État des Frères musulmans. « La Confrérie a transféré son siège de Londres vers Paris. Il est donc attendu dans les prochains jours que les Frères [musulmans] inaugurent un nombre important de centres d’études islamiques en France et en Europe », écrit-il en novembre 2017. Paris serait menacé par l’installation du fameux Tanzim al-dawli, l’organisation internationale des Frères.

Depuis, manque de chance, aucun spécialiste sérieux des Frères musulmans n’a vu la plus petite implantation du siège de la confrérie s’établir dans la capitale française. D’autant qu’une telle “révélation“ aurait mérité quelques précisions : à quelle adresse se sont-ils installés, et quelles sont les personnalités de la Confrérie venues s’établir sur les bords de la Seine ?

Le problème, c’est que Ahmed Youssef, le directeur du CEMO? est surtout spécialiste du séjour de Bonaparte en Égypte. Bref, ce responsable semble maîtriser autant la problématique des organisations islamistes que Brigitte Macron le gavage des oies.

De faux collaborateurs

Abdelrahim Ali a néanmoins établi le siège du CEMO dans un confortable appartement situé avenue Marceau, non loin des Champs-Élysées. Encore lui fallait-il s’attacher les services de spécialistes du terrorisme, afin de séduire les riches “sponsors“ du Golfe, en particulier des Émirats, prêts à mettre la main au portefeuille dans le monde entier pour attaquer leurs frères ennemis qataris. Le Cémo va s’entourer de spécialistes du Moyen-Orient et du terrorisme dont il va afficher les portraits en Une de ses publications sur papier glacé Le Portail et La Référence.  

Seul petit problème, certains de ces spécialistes… avaient refusé catégoriquement de travailler pour le Centre, jugé trop proche des dictatures égyptienne et émiratie. Et les mêmes ignoraient donc que leurs articles, publiés dans d’autres publications, avaient été repris sans leur autorisation soit dans la revue du Centre, soit sur son site. C’est la mésaventure survenue en particulier à Mondafrique, dont le responsable, Nicolas Beau, s’est retrouvé au moins à deux reprises en couverture d’une publication du Cémo ! Le comble est que certains papiers écrits par d’autres ont été publiés sous la signature du directeur de Mondafrique.

Nicolas Beau, rédacteur en chef de Mondafrique, apparait en couverture de la revue du Cemo, alors qu’il a refusé catégoriquement de collaborer avec ce centre proche de la dictature égyptienne

Depuis juillet 2018, les revues diffusées en français, en anglais, en allemand et en arabe ont disparu des kiosques. Les « analyses » du Cémo sur le Proche-Orient ne figurent plus que très épisodiquement sur le site du Portail.

En première page du site figurent encore des articles sur le Yémen datant de 22 décembre 2018, ou sur le crash de l’avion d’Egyptair publié le 10 avril 2019. .      

Trop sulfureux pour l’extrème droite

En fait, Abdelrahim Ali s’est sabordé lui-même en organisant une conférence de presse avec Marine Le Pen à l’Assemblée nationale en mai 2018. Il pensait ainsi faire le buzz. Il a réussi, mais pas dans le sens où il l’attendait. Jean-Yves Camus, le politologue spécialiste de l’extrême droite, a aussitôt estimé que cette invitation « contredit complètement » la démarche de « dédiabolisation », engagée par Marine Le Pen depuis son arrivée à la tête du FN en 2011. Le parti d’extrême droite a reconnu lui-même qu’il ne partageait surtout pas « toutes les analyses » d’Abdelrahim Ali, présenté comme très proche Abdel Fatah al-Sissi, le dictateur égyptien.

En clair, même pour l’extrême droite, le personnage sent le soufre ! Les raisons de ce rejet ? Le président du Cémo aurait affirmé que « le complot contre l’Égypte est permanent depuis la victoire sur Israël pendant la guerre d’octobre 1973 (…) Les États-Unis et Israël font tout ce qui leur est possible pour empêcher que cette victoire ne se répète ».  

Complotiste jusqu’au bout

Le Journal du dimanche présente même Abdelrahim Ali comme un obsédé du « complot sioniste ». N’aurait-il pas déclaré que la chaîne Al-Jazeera, financée par le Qatar, est une « chaîne sioniste » et que le mouvement palestinien Hamas, ennemi historique d’Israël, suit « l’ennemi sioniste » ? Complotiste jusqu’au bout, le fondateur du Cémo estime qu’Israël et les États-Unis utilisent les Frères musulmans pour affaiblir les autres pays de la région. Leur complot « vise à établir la domination des Frères sur la Tunisie, l’Égypte, la Libye et le Yémen ». Comme il ne fait décidément pas dans la dentelle, le fondateur du Cémo estime même que le prédicateur Youssef al-Qaradhawi, leader des Frères musulmans, serait un « agent du Mossad », lié aux « rabbins israéliens ». De son côté Le Parisien titre que Marine Le Pen est épinglé « après avoir invité un Égyptien jugé complotiste ». 

Faut-il s’étonner si l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), qui devait organiser le 22 novembre 2018 une conférence sur « les nouveaux acteurs de la lutte anti-terroriste » a préféré tout annuler en découvrant que le sulfureux Abdelrahim Ali risquait d’y participer ?