Quand le Niger dit adieu à Hama Amadou

26/10/2024 – Nathalie Prevost

La popularité de Hama Amadou, qui lui a valu tant d’épreuves de son vivant, a envahi son fief de Niamey jeudi, au lendemain de son décès du paludisme, sur la route de l’hôpital de référence. Après le choc de l’annonce de la disparition de celui qui portait les espoirs de beaucoup de Nigériens, la foule s’est rassemblée dans sa maison du quartier Yantala, sur les trottoirs du cortège funèbre puis à Youri, son village natal du département de Saye, où il a été porté en terre.

Pour une fois, mercredi, après plus de dix ans d’ostracisation, la télévision publique a prononcé son nom, banni des ondes gouvernementales depuis sa rupture avec le Président Mahamadou Issoufou en 2013. La musique mortuaire habituelle a retenti sur des images fixes, tandis que se préparaient, à la Présidence de la République, des obsèques officielles pour le lendemain matin.

Hommage officiel

Les autorités militaires du Niger ont décidé de rendre hommage à l’éminente figure de la vie politique nigérienne qui fut, de surcroît, l’un des plus proches collaborateurs du général Seyni Kountché, père symbolique de tous les soldats. Quels qu’en soit les motifs, cette décision a, en tous cas, contribué à apaiser la peine des partisans de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée et leader controversé du grand parti Etat créé par Kountché : le Mouvement national pour la société de développement (MNSD).

Le général Abourahamane Tiani, président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), s’est incliné sur le corps de Hama roulé dans le drapeau du Niger en guise de linceul.  Au premier rang de l’assistance, on pouvait voir les deux épouses du disparu, Hari et Hadiza, très affligées, couvertes d’un voile noir et son fils Ismaël, arrivé en hâte de Côte d’Ivoire avec son propre fils. A côté des généraux Tiani et Salifou Modi, deux anciens Président du Niger, Mamame Ousmane et Salou Djibo, les officiers du CNSP au complet et de nombreux chefs politiques, traditionnels et religieux. Les cadres de son parti, le Mouvement démocratique pour une Fédération africaine, le MODEN-FA Lumana, sont venus en boubou blanc et lunettes noires. 

Arrivée de la dépouille mortelle à la Présidence

«Tu es parti au moment où notre pays se retrouve à la croisée des chemins. Au moment où ton pays, en lutte acharnée pour sa souveraineté, a besoin de toi, de tes immenses connaissances et de ta vaste et riche expérience d’homme d’Etat. Hélas, l’appel de notre Créateur ne se fait pas attendre», a dit son ami de cinquante ans, Tahirou Seydou Mayaki, dans son oraison funèbre. Il a rappelé brièvement quelques moments clé de la vie politique de Hama Amadou et surtout, les convictions qu’il portait :  «être toujours du côté du peuple, ne jamais faire une promesse que tu n’es pas sûr de tenir, avoir, en toutes circonstances, un langage franc et sincère avec tes concitoyens, au risque de déplaire.» Il a également estimé que malgré «l’adversité inouïe» qui avait accompagné Hama dans l’exercice de ses responsabilités de Premier ministre puis de Président de l’Assemblée nationale, ce dernier avait été «couronné de succès», notamment par le redressement des finances du pays, au bord de la faillite, dans les années 2000.

Le cortège funèbre s’est alors ébranlé vers Youri, le village natal de Hama, qui borde le fleuve Niger, salué sur les trottoirs par les habitants de Niamey. La ville, où Hama a commencé sa carrière d’élu après la démocratisation, est le fief du défunt. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il était devenu la bête noire du régime socialiste au pouvoir, ce dernier se méfiant de mouvements d’humeur perçus comme particulièrement dangereux dans la capitale.

De gauche à droite : Salou Djibo, les généraux Salifou Modi et Abdourahmane Tiani, Mahamane Ousmane

Amis, proches, admirateurs, militants de base ont emprunté voitures, motos et autobus pour accompagner le corps à sa dernière demeure, soulevant la poussière sur des kilomètres. C’est chez lui, sous un grand arbre à l’impressionnante frondaison surplombant le grand fleuve, que le corps a été mis en terre.  

Depuis mercredi, sur les réseaux sociaux et dans la presse, c’est toute l’histoire politique de ces cinquante dernières années qui défile, alors que l’avenir du Niger reste à écrire sur la page de la transition militaire.

La parole se libère dans le rappel de la carrière de l’homme d’Etat. Vieux compagnons, jeunes admirateurs, anciens lieutenants, anciens amis devenus rivaux puis redevenus alliés évoquent les souvenirs glorieux, les coups politiques et les coups bas, dessinant le portrait d’une bête politique. Les détracteurs, nombreux aussi, se font discrets : le temps du deuil n’est pas celui de l’affrontement.

Reste un grand point d’interrogation : l’héritage politique de Hama, le parti, ses militants, cette foule de partisans. Nul ne sait ce qu’ils vont devenir. 

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