Saveurs africaines : le riz jollof, un soft power ?

20/01/2024 – La rédaction de Mondafrique

Le riz jollof est un plat de riz dans une sauce à base de tomate, d’oignons, de piments et d’épices, que l’on peut déguster en Afrique de l’Ouest notamment au Sénégal, en Gambie, au Ghana ou au Nigéria.

L’or rouge de la cuisine ouest-africaine

La belle couleur rouge orangé du riz jollof est un plaisir pour les yeux et la promesse d’une saveur incomparable, celle qu’il a obtenue en ayant mijoté dans la sauce et le bouillon de la viande et des légumes qui l’accompagnent.On fait remonter l’origine de ce plat au 13ème siècle après J.-C. de l’ancien empire Wolof, qui s’étendait alors sur des parties du Sénégal, de la Gambie et de la Mauritanie d’aujourd’hui. Avec l’extension de l’empire wolof, de la culture du riz et du commerce, la recette va se propager dans toute l’Afrique de l’Ouest. 

La guerre du jollof

Bien entendu chaque nation et chaque famille apporte sa propre touche à la recette du jollof en fonction des ingrédients disponibles, des traditions culinaires et des goûts personnels. Ces différences expliquent en partie la guerre du jollof (« Jollof war ») des années 2010 sur la toile dont on entend encore des échos aujourd’hui. Ces débats passionnés qui ont animé les réseaux sociaux et les conversations sur le point de savoir quel est le pays qui cuisine le meilleur riz jollof a surtout opposé le Nigeria au Ghana, ces dernier défendant l’utilisation du riz basmati aromatisé, qui confère une saveur supplémentaire au plat tandis que les premier optant pour du riz à grain long, jugé plus apte à absorber les saveurs.

Ces débats interminables mais jamais agressifs ont rassemblé finalement beaucoup plus qu’ils n’ont divisé. Sans compter qu’en se répandant comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, ils ont contribué à faire connaître le riz jollof dans le monde entier au point que depuis 2015 le jollof célèbre sa journée mondiale le 22 août.

Soft power et protection du patrimoine culinaire

La promotion mondiale de cette recette n’est toutefois pas sans inconvénient.  Car le riz jollof n’est qu’une des versions d’une recette ouest-africaine. Et sa réclame planétaire permise par le “soft power” nigérian et sa puissance de frappe numérique sans égal en Afrique a eu tendance à invisibiliser les autres versions.  Car un « jollof rice » – dont la désignation se rapporte avec justice à son origine wolof (Jollof en anglais), – n’est pas tout à fait un “riz au gras” ou un “tchep” d’Afrique francophone. 

Un plat qui a voyagé à travers l’espace et le temps en se modifiant continuellement jusqu’à acquérir des particularités stables et remarquables, pourrait très bien en quelques générations être balayé sous l’effet de soft powers planétaires ou régionaux, exerçant leur influence à travers les réseaux numériques. Protéger les pratiques culturelles locales du risque d’un effacement par les pratiques culturelles de masse est donc une nécessité impérieuse. Plusieurs méthodes de protection sont possibles :  La défense par les populations elles-mêmes ; c’est le cas du riz jollof de l’Afrique anglophone dont les citoyens ont pris la défense à travers les réseaux sociaux. Une autre méthode est possible, celle de la protection institutionnelle des États ou des organisations internationales ; c’est le cas du thiéboudienne sénégalais (ceebu jën en Wolof), une recette qui fut fixée au XIXème siècle dans les communautés de pêcheurs de l’île de Saint-Louis et qui est sans doute la recette les plus anciennes du “Jollof” que l’on connaisse. La volonté du Sénégal de préserver le thiéboudienne et les pratiques culturelles spécifiques qui y sont liées a permis son inscription par l’Unesco en 2021 sur la liste représentative du  patrimoine mondial immatériel de l’humanité.

une serveuse présente un plat de thiéboudienne sénégalais, dit encore tiep ou tchep. Le poisson et les légumes sont posés sur le riz à base de sauce tomate.
Le thiéboudienne sénégalais

3000 ans d’age?

Jollof rice, riz au gras, tchep, thiéboudienne…  Toutes ces recettes sont, malgré leurs différences, les membres d’une même grande famille culinaire : celle de la réduction d’un bouillon de riz cuit avec différents ingrédients, une méthode semblable à celle du risotto italien mais beaucoup plus ancienne : Les résultats d’une recherche internationale de 2019 montre en effet que le riz africain – différent du riz asiatique introduit au XIVème siècle par les portugais et qui l’a remplacé-  a été domestiqué la première fois il y a environ 3 000 ans dans le delta intérieur du fleuve Niger, au nord du Mali actuel. On peut donc supposer la haute antiquité de cette famille culinaire (jollof rice, Tchep, Riz au gras…) de l’Afrique de l’Ouest !

Deux recettes

Nous avons sélectionné une recette de riz Jollof à la ghanéenne ici.
Merci au site Kelianfood.com

Et voici une présentation magnifique de l’art culinaire sénégalais du Thiéboudienne (ceebu jën)

Une chronique d’Eddy Narbal