Désarmer le Hezbollah sans l’humilier, l’équation impossible!

31/05/2025 – Nicolas Beau

Le Président de la République libanaise, Joseph Aoun, veut reconquérir la souveraineté du pays en désarmant le Hezbollah, mais sans casset « l’équilibre » du pays. Et cet équilibre, pour l’instant, repose sur une équation : le désarmement du Hezbollah, oui, mais pas jusqu’à l’humiliation. Cette logique rend aléatoire la politique courageuse du pouvoir libanais.
Un Hezbollah, affaibli, estconfronté à des dissension Le discours officiel du Hezbollah masque de plus en plus mal les fractures internes. Depuis le conflit de 2024, plusieurs voix au sein de l’environnement chiite ont commencé à questionner l’omniprésence militaire du parti. À Tyr, Nabatieh, voire dans certains quartiers de Dahieh (Banlieue Sud de Beyrouth), des critiques sourdes émergent, parfois relayées par des figures proches d’Amal, du clergé chiite modéré ou même d’ONG communautaires.Le Hezbollah, conscient de cette érosion, investit dans une campagne de remobilisation : événements commémoratifs, renforcement des écoles idéologiques, promesses de reconstruction. Mais sur le terrain, le moral des troupes est bas, les recrutements ralentissent, et la jeunesse chiite, confrontée à la crise économique, se détourne de plus en plus des engagements armés.

Désarmement contre reconstruction

Certains experts estiment que le Hezbollah aurait accepté, de facto, une forme de compromis dans le sud du pays. Une hypothèse renforcée par le fait qu’aucun incident grave n’a opposé ses forces à l’armée libanaise au cours des démantèlements post-novembre 2024.

Selon Randa Slim, analyste au Middle East Institute et citée par le Wall Street Journal : « À moins que le Hezbollah accepte de se désarmer lui-même, j’ai du mal à imaginer un scénario qui verrait le gouvernement libanais le faire par la force. » Mais elle ajoute aussitôt : « Ce que doivent faire les Libanais, c’est rendre politiquement intenable un refus du Hezbollah d’être désarmé, en liant la reconstruction des zones chiites à ce désarmement. » Autrement dit : il ne s’agit pas de vaincre le Hezbollah militairement, mais de l’amener à renoncer à ses armes par un chantage à la reconstruction et à la légitimité sociale.

Le double discours gouvernemental

La réalité, c’est que le Liban parle deux langues politiques. L’une est celle du droit international, du multilatéralisme, du monopole légitime de la violence. L’autre est celle de la « Résistance », de la légitimité révolutionnaire, du droit à l’auto-défense communautaire.

Dans les coulisses du pouvoir, cette contradiction crée un double discours permanent. À Baabda, on promet la souveraineté ; à Haret Hreik (Fief du Hezbollah) on la relativise. Le président de la République, Joseph Aoun, homme de l’armée, sait qu’il marche sur un fil. Son message aux délégations étrangères est clair : « Nous avançons, mais nous avançons sans casser l’équilibre. »

Faut-il obtenir le consentement du Hezbollah?C’est là le nœud du problème. Et à ce jour, la réponse est claire : non, pas sans son consentement. Le Hezbollah demeure de loin la force militaire non étatique la plus puissante du pays. Il dispose d’un arsenal balistique significatif, de drones armés, et de troupes d’élite aguerries par des années de combat en Syrie. Une confrontation directe avec lui exposerait l’État libanais à un risque d’implosion : guerre civile, rupture au sein de l’armée, effondrement des institutions sécuritaires.

Face à cette réalité, Beyrouth privilégie une approche graduelle et négociée. L’idée serait de troquer les armes contre une reconnaissance symbolique et politique. Plusieurs pistes sont évoquées : offrir au Hezbollah une place institutionnelle – par exemple via un poste symbolique dans un « commandement conjoint » fictif –, partager les dividendes de la reconstruction, ou encore reconnaître officiellement son rôle passé dans la libération du Sud. Autrement dit, lui permettre une sortie honorable, sans capitulation, en réduisant progressivement ses capacités de combat.

Pressions américaines

Alors que le Liban attend la visite officielle de la vice-émissaire américaine pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus — dont la date n’est pas encore fixée — une lettre américaine a précédé son arrivée. Elle indique que la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu reste incomplète, et que des mesures sérieuses et tangibles sont attendues. Des sources politiques ont confirmé au média libanais « Houna Loubnan » que le Liban a été averti du mécontentement américain concernant les retards dans l’application des autres clauses de l’accord de cessez-le-feu, notamment la remise des armes du Hezbollah dans le nord du Litani. Ces sources ajoutent que le pari du Hezbollah sur le facteur temps pour éviter la remise de ses armes nuit au Liban, et que des mesures efficaces et rapides sont exigées.

Les mêmes sources précisent que l’administration américaine avait évoqué un calendrier précis pour clore ce dossier, et en avait informé certains médiateurs, mais le Liban a ignoré cette échéance. Elles expliquent également que la période de tolérance accordée au Liban est désormais terminée, et que Morgan Ortagus reviendra au Liban dans les deux prochaines semaines avec un ton plus ferme. Les États-Unis estiment que le Liban ne peut plus se permettre de perdre du temps, et que Washington est déterminé à appliquer pleinement les clauses de l’accord, par tous les moyens nécessaires, sans compromis ni discussion.

Des discussions ont lieu dans les coulisses politiques concernant l’inquiétude qui règne sur la scène intérieure libanaise, en raison d’informations selon lesquelles le Hezbollah se préparerait à mobiliser la rue à travers des manifestations populaires, sous le prétexte de faire pression sur le gouvernement concernant la question de la reconstruction. 

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