Présidentielle Niger : premières tensions autour du dépouillement

Rédigé le 23/02/2021
Nathalie Prevost

Alors que les Nigériens ont voté dans le calme, dimanche, pour le 2e tour de la présidentielle, la soirée de lundi a vu apparaître les premières tensions autour de la proclamation des résultats provisoires officiels, qui devait se poursuivre jusqu’au mardi.

Les grandes tendances résultant des premiers décomptes de l’opposition étaient positives pour Mahamane Ousmane, au matin, mais ce mouvement s’est inversé en cours de journée. La Commission Electorale Nationale Indépendante a publié toute la journée, sur la télévision nationale et sur son site, des résultats par commune. Avant publication, ces résultats doivent être validés par les représentants des deux candidats, qui les comparent avec leurs propres données au préalable.

Une floppée de contestations sont en cours de formalisation à la CENI, de la part de l’opposition, pour cause de divergences sur un certain nombre de procès-verbaux ou de fraudes ou incidents avérées.

Difficile d’analyser les chiffres plus en détail à ce stade. Les tendances principales montrent que les villes semblent avoir voté plutôt pour Mahamane Ousmane, le candidat de l’opposition, Mohamed Bazoum enregistrant ses plus gros scores dans les campagnes et surtout dans la région de Tahoua.

Ces chiffres provisoires traduisent un clivage du pays plus fort que jamais avec des régions qui votent très majoritairement pour le candidat de la coalition de l’opposition et d’autres, en particulier le fief du Président Mahamadou Issoufou, quasi exclusivement socialistes. La région de Maradi se partage à peu près entre les deux camps.  

Des discussions commencent déjà sur la disparité de la participation observée entre l’essentiel du pays et les deux régions de Tahoua et Agadez, déjà épinglées au premier tour pour des bourrages d’urnes. L’oasis de Timia se distingue à nouveau par une participation de 103%, qui a d’ailleurs fait trébucher le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante à la lecture.

Tous les observateurs se sont félicités du calme qui a présidé au scrutin de dimanche, à peine voilé par la mort de 8 agents électoraux dans des attaques djihadistes à l’ouest et à l’est du pays.

Des divergences sur les résultats apparus entre les procès-verbaux en possession de l’opposition et ceux compilés par la CENI ont commencé à gripper la machine lundi en fin de journée. L’opposition a demandé le blocage de la publication des résultats de 15 communes de la région de Tahoua, 3 d’Agadez et 2 de Maradi, où des incidents ont été documentés, y compris par constat d’huissier.

La difficulté principale vient du manque total de confiance de l’opposition dans le dispositif d’organisation et de contrôle des élections, qu’elle conteste depuis des années. Elle en dénonce l’inféodation au régime, notamment en raison du recrutement de membres connus pour leurs liens personnels ou familiaux avec le Président de la République et les barons du pays. En retour, la CENI ne cache pas son dédain vis-à-vis de l’opposition, sentiment qui s’est traduit, entre les deux tours, par l’absence de réponse à l’unique lettre adressée par Mahamane Ousmane, sans doute pour ne pas devoir opposer officiellement une fin de non-recevoir à ses diverses demandes sur les mesures à mettre en place pour limiter la fraude.

 A la toute fin de la campagne, Mahamane Ousmane a déclaré aux électeurs qu’il exigerait les vrais résultats sortis des urnes et ne se contenterait pas de papier.