Les trahisons historiques du pouvoir malien face à l’Azawad

Rédigé le 03/11/2025
La redaction de Mondafrique

L’annonce de la dissolution du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) par la junte malienne, le 30 octobre 2025, constitue l’ultime étape d’un processus de marginalisation et de trahison des élites militaires et politiques du Nord. Loin d’être une simple querelle autour du contrôle de la mine d’Intahka, cette décision révèle un recalibrage brutal du pouvoir central, mettant à nu la fragilité des alliances nouées depuis plus d’une décennie.
Mohamed AG Ahmedou journaliste et acteur de la société civile 
Le mouvement touareg aura été créé par Bamako, puis détruit par Bamako Fondé le 3 août 2014 par le général Jocker, figure touarègue proche de Bamako, en collaboration avec Fahad AG Almahmoud — président et secrétaire général jusqu’à sa mort — le GATIA n’a jamais été un mouvement indépendant. Conçu comme un relais stratégique de l’armée dans les zones sensibles de l’Azawad, il devait protéger les intérêts du Nord tout en restant loyal au pouvoir central.
Entre assassinat ciblé, marginalisation des élites et réécriture de l’histoire, Bamako réaffirme sa domination sur le Nord, au prix de fractures profondes.
Dès 2018, cependant, le GATIA commence à s’effriter : une scission interne oppose l’aile de Fahad AG Almahmoud à celle de Haballa AG Hamzatta. Cette division fragilise l’organisation et ouvre la voie à un réalignement politique. En 2023, les deux factions rejoignent la Coordination des mouvements indépendantistes (CSP-DPA), qui deviendra, le 30 novembre 2024, le Front de Libération de l’Azawad.
Pour maintenir une façade de continuité, le général Elhaj Gamou, avec l’appui de Bamako, nomme un nouveau secrétaire général, Youssef AG Mohamed. Mais le mouvement a déjà perdu l’essentiel de ses cadres, absorbés par le Nord indépendantiste, illustrant l’échec du pouvoir central à conserver ses alliés historiques.
Fahad AG Almahmoud : un assassinat ciblé, un signal politique
Le 1er décembre 2024, Fahad AG Almahmoud est tué par un tir de drone à Tinzawatene, dans une opération attribuée à la junte malienne. Ce meurtre ciblé envoie un message sans équivoque : aucune élite touarègue fidèle à Bamako n’est à l’abri.
L’assassinat illustre le double langage du pouvoir central : utiliser les élites du Nord pour sécuriser les zones stratégiques, puis les éliminer ou les marginaliser une fois leur utilité politique et militaire consommée. La disparition de Fahad AG Almahmoud cristallise ainsi le sentiment d’une trahison systématique.

Une trahison qui traverse l’histoire

La marginalisation des élites du Nord n’est pas un phénomène récent. En 1958-59, les chefs touaregs des confédérations de la boucle du Niger, de l’Adagh, du Liptako Gourma et de Menaka soutiennent le projet d’indépendance du Mali, aux côtés de Modibo Keita, en intégrant le Soudan français, le Macina et les territoires touaregs et arabes pour former un État pluraliste appelé « Mali ».
Parmi eux, Mohamed Elmehdi AG Attaher, ancien député au parlement français, participe à l’échec du projet de création de l’Organisation des communautés riveraines du Sahara (OCRS), initiative française visant à fédérer les confédérations touarègues du Nord du Mali, de l’Algérie et du Niger. Mais Modibo Keita trahit rapidement ses alliés : en 1967, toutes les chefferies arabo-touarègues du Nord sont dissoutes. Mohamed Elmehdi AG Attaher est exilé administrativement à San, dans le Sud, pour y exercer les fonctions de sous-préfet.
Cette logique de trahison s’étend sur plusieurs décennies. La junte malienne a systématiquement supprimé les archives des anciens cadres militaires touaregs et arabes ayant servi le Mali de 1960 à 2020. Entre 2022 et 2023, les recherches pour constituer une exposition sur ces figures historiques ont échoué : aucune trace documentaire n’a été retrouvée, contribuant à une forme de génocide de la mémoire et à la désinformation sur l’existence et le rôle des communautés touarègues et arabes dans l’histoire nationale.

Bamako trahit ses alliés et fragilise le Nord

Au-delà du GATIA, les élites du Nord ayant servi l’État restent invisibles dans le récit officiel : Fahad AG Almahmoud, Soumaylou Boubeye Maïga, Choguel Kokala Maïga et d’autres figures ne reçoivent ni reconnaissance ni protection. Cette attitude renforce la perception que le Mali appartient exclusivement aux descendants des élites du Sud, accentuant les tensions ethniques et politiques et semant le doute sur la fiabilité des soutiens locaux : qui sera le prochain trahi ?
La dissolution du GATIA, qui intervient après que l’État a repris le contrôle de la mine d’Intahka, criminalise toute milice non étatique, renforçant le contrôle sur les ressources et fragilisant les Touaregs restés loyaux. Paradoxalement, cette stratégie pourrait également unifier les factions indépendantistes au sein du Front de Libération de l’Azawad.
Un message pour le Mali central
La chute du GATIA et l’assassinat de Fahad AG Almahmoud révèlent une stratégie claire : utiliser les élites locales pour consolider ses intérêts, puis les abandonner. Cette pratique illustre l’illégitimité croissante de la junte et nourrit un sentiment d’exclusion au Nord.
Pour l’Azawad, la dissolution du GATIA pourrait accélérer la convergence des mouvements indépendantistes, réaffirmant que la loyauté envers Bamako n’est jamais garantie, et que les alliances du passé, même forgées dans le sang et la fidélité, sont désormais rompues.