Le revirement d’Emmanuel Macon sur la question du Sahara s’explique d’abord par un certain réalisme. Une certitude en effet, la stratégie marocaine qui depuis toujours a cherché à marginaliser, voire à combattre, le Front Posisario, le bras armé de l’hypothétique République sahraouie, soutenu par Alger a marqué des points. Autant d’avancées que les palabres à l’ONU sur un impossible référendum d’autodétermination, n’ont pas toujours reflété (1). Revenue en force au sein de l’Union Africaine, la diplomatie marocaine a trouvé de nombreux alliés au sein du mode arabe et africain. Entre Laâyoune et Dakhla, le Royaume marocain a favorisé l’ouverture de quinze consulats généraux de pays africains. La décision de l’ex Président Trump, qui n’a pas été contestée par le camp démocrate traditionnellement proche de Rabat, de reconnaitre la marocanité du Sahara, renforce l’incontestable dynamique internationale qui doit beaucoup à la situation géographique de ce territoire, au fort attachement du peuple marocain au Shara et aux investissements considérables du Royaume pour développer cette partie du désert.
Les équilibres régionaux penchent également en faveur de Rabat. L’élection en Mauritanie d’un Président, Mohamed Ghazouani, dont les liens avec le Maroc sont traditionnellement excellents, marque un réel tournant. Une vraie dynamique régionale qui pourrait s’étendre jusqu’au Sénégal et à l’Afrique de l’Ouest est désormais possible si la situation au Sahara se stabilise.
Paris considère désormais le plan marocain comme « la seule base » permettant de résoudre le conflit avec les indépendantistes du Polisario, vieux de près de 50 ans. Sans reconnaître expressément la « marocanité » du territoire comme l’ont fait les Américains ou les Émiratis, Emmanuel Macron a estimé que « pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant ».
Que la France ait affiché une position « claire et constante » sur ce dossier comme l’affirme le Président français reste une façon de réécrire l’histoire!
Le virage diplomatique
Emmanuel Macron avait bien tenté, au début de son premier quinquennat, de maintenir un climat apaisé à la fois avec l’Algérie et avec le Maroc. Peine perdue, Il a réussi à se fâcher avec Rabat sans parvenir à sceller avec Alger cet axe privilégié dont lui et Jean Yves Le Drian, longtemps son ministre des Affaires Étrangères, avaient rèvé. Cette année, L’Élysée a sans estimé qu’il était temps de renouer avec Rabat.
Ce rapprochement a souffert au départ de la malencontreuse nomination du très “algérophile“ Stéphane Séjourné comme ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement Attal. Mauvaise pioche! Député européen, président du groupe Renew, il est à l’origine en 2021 d’une résolution appelant le Maroc au respect de la « liberté d’expression », et dénonçant le sort des journalistes emprisonnés. Une autre résolution, en 2023, mettait en cause l’utilisation du logiciel espion Pegasus et montrant du doigt, mais sans preuves convaincantes, l’éventuelle corruption de députés européens par les autorités marocaines…
Emmanuel Macron a été contraint de l’envoyer en février dernier à Canossa. Reçu par Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné a apporté le soutien « clair et constant » de la France au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental. « C’est un enjeu essentiel pour le Maroc (…) Il est désormais temps d’avancer. J’y veillerai personnellement », a déclaré le chef de la diplomatie tricolore à Rabat, annonçant un nouveau chapitre dans la relation entre le Maroc et la France. Pour preuve, Emmanuel Macron a aussi expédié au royaume chérifien Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Franck Riester, ministre du Commerce extérieur, et Bruno Le Maire, en charge de l’Économie.
L’actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, née d’un père marocain, a été décorée en 2010 de l’ordre du Wissam Al-Alaoui, « une distinction réservée aux personnalités étrangères pour leurs services rendus à la nation ». Cette tigresse des plateaux de télévision fidèle en amitié aura été depuis toujours une des personnalités politiques françaises les plus attachées au Royaume marocain. En 2023, accompagnant Éric Ciotti, à la tête d’une délégation du parti Les Républicains, Rachida Dati avait déja reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Elle alors dénoncé la politique conduite par Emmanuel Macron à l’égard du Maroc, qui n’allait « pas dans la bonne direction »…
L’axe Paris/Alger mis à mal
Alger a décidé ce mardi 30 juillet le « retrait immédiat » de son ambassadeur à Paris. « La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d’un chargé d’affaires », a ajouté le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l’agence officielle APS, dénonçant un « pas qu’aucun autre gouvernement français n’avait franchi avant lui ». La « désapprobation » des Algériens face à une « décision inattendue » est d’autant lus forte qu’Emmanuel Macron et Jean yves Le Drian avaient donné l’impression jusqu’à présent de privilégier leurs relations avec l’Algérie dont ils ont voulu faire, mais sans succès, un allié privilégié sur les dossiers du Mali et de la Libye.
La lune de miel entre Paris et Alger est apparemment révolue. Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a pas su naviguer avec suffisamment de doigté et de diplomatie entre les intérêts contradictoires des deux grands alliés de la France que sont l’Algérie et le Maroc. Ce « en même temps » qui fut longtemps sa marque de fabrique n’a apparemment pas fonctionné au Maghreb.
(1) Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est contrôlé en majeure partie par le Maroc, qui propose un plan d’autonomie de ce territoire sous sa souveraineté. Mais il est revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, de moins en moins nombreux, qui vivent sous perfusion financière des Algériens et qui réclament un référendum d’autodétermination.