L’agence d’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) interdite par Israël   

31/10/2024 – La redaction de Mondafrique

 « United Nation Relief and Works Agency (UNRWA) ….for Palestine Refugiees in the Near East ». Un nom à rallonge qui désigne l’agence créée voici soixante quinze ans destinée à aider les Palestiniens. Du moins jusqu’à ce qu’ils puissent retrouver leurs habitations abandonnées en Israel. Malgré l’opposition des États-Unis et la mise en garde du Conseil de sécurité de l’ONU, la Knesset a adopté lundi l’interdiction pour l’Unrwa d’exercer ses activités sur le territoire israélien. Un vote lourd de conséquences humanitaires et politiques qui oblige la communauté internationale à repenser toute l’aide aux Palestiniens. Les députés suisses ont déjà voté depuis deux mois pour couper les vivres à l’UNRWA, mais les sénateurs ont décidé… d’attendre. En fait, le gouvernement est très ennuyé car le patron de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, est suisse et c’est l’un des très rares hauts fonctionnaires internationaux helvétiques.

Très récemment, l’armée israélienne et le Shin Beth, l’agence de sécurité intérieure, auraient découvert un tunnel appartenant au Hamas, long de 700 mètres, sous une école gérée par l’UNRWA. Pour Israël, qui réclame depuis longtemps la disparition de l’agence onusienne, c’est une nouvelle preuve que l’UNRWA « est totalement infiltrée par le Hamas ».

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans Le Proche-Orient n’a pourtant pas besoin que l’on charge encore davantage sa barque. Douze de ses employés sont accusés d’être impliqués dans l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023. « C’est un matin glorieux inoubliable » aurait lancé l’un d’entre eux. Quant à une ancienne otage, elle assure avoir été retenue dans la maison « de quelqu’un qui travaillait pour l’UNRWA ».

Six millions de Palestiniens en charge

Cette suspicion d’implication a convaincu une douzaine de pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, l’Australie, l’Italie, la Finlande, les Pays-Bas, le Japon, de cesser leurs financements au profit de l’UNRWA. Or ce sont parmi les plus gros contributeurs. Les Palestiniens, principalement ceux de Gaza., sont les victimes d’une telle décision

A l’origine, l’UNRWA, conçue comme un agence temporaire, devait aider 726 000 personnes. Aujourd’hui, elle a la charge de presque 6 millions de Palestiniens. Car malgré la résolution de l’ONU, ce droit au retour n’a jamais été appliqué. Les enfants des réfugiés sont devenus à leur tour des réfugiés. Puis les petits-enfants, et les arrières petits-enfants, survivent dans 58 camps dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem Est, mais aussi en Jordanie, au Liban, en Syrie.

L’UNRWA, dont le quartier général est à Amman, en Jordanie, est un cas à part. Ailleurs, les réfugiés sont pris en charge par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). L’UNRWA s’occupe à la fois d’éducation, de santé, de protection, d’aide d’urgence, et même de microfinance. Elle compte ainsi 709 écoles réunissant 530 000 élèves (1).   

Quels liens avec le Hamas ?  

La position française est plus ambigüe. Tout en déclarant qu’elle ne suspend pas ses financements, elle affirme ne pas avoir prévu de versement au premier trimestre 2024… Catherine Colonna, l’ancien ministre des Affaires étrangères, débarquée le mois dernier, est chargée d’évaluer le fonctionnement de l’UNRWA. Pourra-t-elle seulement se rendre dans la bande de Gaza, écrasée sous les bombes ? Et comment interviewer en toute indépendance une population qui vit depuis 2007 sous le joug d’une organisation bien peu démocratique ? Le Hamas condamne systématiquement à la peine de mort toute personne soupçonnée de collaboration avec « l’ennemi sioniste ».              

Le patron de l’UNRWA, le Suisse Philippe Lazzarini, 60 ans, d’origine italienne, a toujours démenti tout lien avec le Hamas. Mais quand on salarie 13 000 personnes dans la bande de Gaza (sur un total de 30 000 employés régionaux), comment ne pas imaginer que quelques dizaines ou même centaines d’entre eux n’ont pas de sympathies pour cette organisation terroriste ?

Le Wall Street Journal va plus loin en écrivant que 10 % des employés de l’UNRWA auraient des liens avec les organisations islamistes. Philippe Lazzarini, ancien au CICR en Bosnie, a fermement condamné les atrocités du 7 octobre et immédiatement licenciés les 12 salariés soupçonnés d’avoir participé aux massacres. Depuis longtemps, Israël reproche à l’office de secours et de développement d’utiliser des manuels scolaires antisémites et hostiles à l’État juif.

L’impuissance de l’ONU

Israël ne cesse de répéter que l’UNRWA ne fera pas partie de l’après-guerre à Gaza. Mais qui va remplacer cet office et surtout qui va payer l’addition ? Afin de permettre à 2,3 millions de Gazaouis de garder la tête hors de l’eau. Le Monde rappelle que l’UNRWA « fournit des services vitaux et coûteux à Gaza comme à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, lesquels incomberaient en son absence à la puissance occupante » (2). Ce serait logiquement à Israël de prendre en charge ces populations.  

En attendant, les fonds bloqués par les riches donateurs représentent autour de 450 millions de dollars, soit presque la moitié des revenus de l’UNRWA (son budget étant d’environ un milliard de dollars). Les principaux contributeurs n’étant pas les pays arabes mais les États-Unis et l’Union européenne. Comment, dans ces conditions, éviter une famine ? Sans solution sérieuse de rechange, le comité indépendant animé par l’ancienne ministre française des Affaires étrangères devrait se contenter d’émettre des recommandations pour « améliorer et renforcer » les mécanismes en place. C’est-à-dire pas grand-chose. Va-t-on demander la tête de Philippe Lazzarini pour apaiser le courroux d’Israël ? Ce serait injuste et une erreur. Avant de prendre la tête de l’UNRWA en 2020, cet originaire de Neuchâtel, en Suisse, a déjà montré ses compétences en Bosnie, au Rwanda, en Angola, au Soudan du Sud.

Tout le monde en est conscient : l’ONU n’a pas les moyens de résoudre la crise. Faut-il rappeler qu’au Cachemire, la population attend depuis 75 ans un référendum pour savoir si elle souhaite être indienne, pakistanaise ou tout simplement cachemirie ? Quant au Sahara occidental… Et le HCR ? il n’en surtout pas envie et encore moins la possibilité de prendre en charge du jour au lendemain 6 millions de réfugiés palestiniens, répartis dans quatre pays.    

(1) Elsa de La Roche Saint-André, « Qu’est-ce que l’UNRWA, l’agence de l’ONU d’aide aux réfugiés palestiniens, mise en cause par Israël ? », Libération, 4 décembre 2023.

(2)Louis Imbert, Philippe Ricard, Laure Stephan, « L’UNRWA plongée dans la tourmente », 30 janvier 2024