L’Iran utilise Dubaï pour continuer à financer le Hezbollah

01/12/2025 – La redaction de Mondafrique

Considérablement affaibli par les opérations menées par le Mossad israélien en 2024, le Hezbollah a plus que jamais besoin de financement pour se reconstruire. Elle-même affaiblie par les bombardements israélo-américain de cet été, l’Iran n’a pas renoncé à financer son principal allié régional qu’est le « Parti de Dieu ». Et ce sont les relais de Téhéran installés à Dubaï qui permettent au régime desmollahs de faire parvenir des fonds au mouvement chiite libanais, révèle le « Wall Street Journal..
Notre chronique sur le Moyen Orient dans la presse anglophone, signée Bruno Philip, ancien journaliste au « Monde »
Des centaines de millions de dollars, peut-être un milliard, envoyé par l’Iran cette année au Hezbollah via Dubaï… C’est l’information exclusive que vient juste de publier le Wall Street Journal dans son édition du 27 novembre.
Un système appelé « havala », qui consiste à faire effectuer des transactions par des partenaires de confiance dont la parole donnée est la garantie fondamentale , est la voie choisie par Téhéran pour renflouer les caisses de son allié chiite libanais, très affaibli par les coups de boutoirs que lui a infligé Israël en 2024.

Bachar al-Assad, l’allié disparu

Le recours à ces transactions illicites utilisant cette plaque tournante de la finance mondiale s’est imposé au fil des mois, notamment en raison de la chute du régime syrien de Bachar al-Assad, naguère soutenu par Téhéran et que le régime des mollahs utilisait jusque là comme relais pour le financement du Hezbollah. Les efforts du gouvernement libanais dans sa lutte contre les passeurs débarquant à Beyrouth pour directement approvisionner le « Parti de Dieu » ont, de surcroît, rendu les choses plus compliquées pour ce dernier.
« Face à ces restrictions, écrit le Wall Street Journal, l ‘Iran et le Hezbollah ont été contraints de se tourner davantage vers des alternatives comme Dubaï, que Téhéran utilise depuis longtemps pour blanchir de l’argent et contourner les sanctions ». Le grand quotidien new yorkais affirme tenir ces informations de sources « très proches du dossier », à commencer par « un haut responsable américain « non identifié. 
Le modus operandi est assez simple, précise le journal : certains revenus provenant de la vente du pétrole iranien « sont envoyés à des bureaux de change, des sociétés privées, des hommes d’affaires et des coursiers liés à l’Iran à Dubaï, qui les transfèrent ensuite au Hezbollah au Liban via le système ‘hawala’, une pratique séculaire permettant de transférer de l’argent d’un point à un autre en se basant entièrement sur la confiance ». Lorsqu’ils arrivent dans l’émirat, ces fonds sont versés à un intermédiaire de Dubaï, lequel les reversent à un autre intermédiaire au Liban sans qu’aucune transaction bancaire officielle n’ait été effectuée. 

Les EAU, carrefour du blanchiment d’argent

Les autorités de Dubaï dénient naturellement que leur territoire soit utilisé comme une plate forme de blanchiment d’argent, surtout impliquant un pays aussi problématique que l’Iran : les Emirats arabes unis ont, dans un passé relativement récent, entretenu des relations pour le moins compliquées avec le pouvoir chiite iranien, surtout lors des épisodes de crises ouvertes entre l’Arabie Saoudite, allié des Emirats, et ses rivaux iraniens et qataris.
Les EAU ont longtemps souffert d’une  réputation de carrefour du blanchiment d’argent, ce qui leur a valu d’être placé en 2022 sur la liste noire  du « Groupe d’action financière » ( GAFI) , organisation mondiale de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Les Emirats ont malgré tout vu leur nom retiré de cette même liste deux ans plus tard. 
Le quotidien cite à cet égard un responsable des EAU, non identifié, ayant déclaré que son pays « était déterminé à empêcher l’utilisation de son territoire à des fins de financement illicites et qu’il collabore avec ses partenaires internationaux pour persuader et dissuader de telles activités ». 
Mais si des progrès ont été indéniablement réalisés, il est patent, au vu des révélations du « WSJ », que des progrès restent à faire… 

Les groupes mafieux de Bombay, un précédent

Il faut dire que le ‘havala » , notamment qualifié de « transfert d’argent sans mouvement d’argent » – puisque les fonds ne sont pas envoyés par des des canaux légaux- consiste en une pratique de longue date répandue dans la région et dont l’habileté à se jouer des contrôles est connue. Entre autres exemples, des scandales ont impliqué  dans les années quatre vingt dix des groupes mafieux de Bombay qui avaient financé, par le biais de ce système,  des groupes djihadistes durant la période la plus noire des affrontements entre organisations armées fondamentalistes et l’armée indienne au Cachemire. 
Quoiqu’il en soit, le Hezbollah a bien comme priorité sa reconstruction à la suite de la décapitation de sa hiérarchie consécutives aux opérations perpétrés par des agents du Mossad israélien, tandis que l’Iran, en dépit de son affaiblissement consécutif aux bombardements israélo-américains de cet été, n’a pas renoncé à aider son dernier allié de poids dans la région après  la chute du régime syrien.  
« La ‘Force Al Qods [ une unité d’élite des Gardiens de la révolution iranienne], chargée de soutenir les milices alliées de Téhéran à l’étranger, a transféré plus d’un milliard de dollars au Hezbollah depuis janvier, principalement via des bureaux de change », précise le Wall Street Journal, citant un communiqué officiel du Département du Trésor américain. A propos du montant des sommes dont a besoin le mouvement chiite libanais pour se reconstruire, une chercheuse au Washington Institute , Hanin Ghaddar, estime que le budget annuel du Hezbollah « s’élevait auparavant à un milliard de dollars mais après la guerre [ de 2024], ses besoins sont bien plus importants ». 
La plate forme de Dubaï ne constitue cependant pas le seul « point de passage » pour permettre aux Iraniens de continuer son financement du Hezbollah : selon certaines sources moyen-orientales également mentionnées par le « WSJ »,  des « petites mains' » iraniennes continuent de déjouer les contrôles renforcées à l’aéroport de Beyrouth « en transportant avec elles de petites sommes d’argent liquide ou des bijoux qui n’ont pas à être déclarées et sont plus facilement dissimulables »…