Le Financial Times fait écho aux inquiétudes émanant du monde arabe à propos des perspectives de reconstruction de Gaza évoquées par les Américains
S’appuyant sur des sources diplomatiques de haut niveau, le Financial Times fait écho aux inquiétudes émanant du monde arabe à propos des perspectives de reconstruction de Gaza évoquées par les Américains, ces dernières ne bénéficiant qu’aux seules zones contrôlées par Israël dans l’enclave dévastée. Un motif de clash probable entre la partie israélo-américaine et le monde arabo-musulman.
Bruno Philip, ancien journaliste du « Monde »
Les pays arabes s’inquiètent du fait que le « plan Trump » de reconstruction de la moitié de Gaza sous contrôle israélien ne sanctionne en réalité une partition de facto de l’enclave, rapporte le grand quotidien de la « city » de Londres, le Financial Times. » Des désaccords majeurs [ à propos du plan Trump] risquent de survenir entre, d’un côté, Palestiniens, Egyptiens, Qataris et Turcs (ainsi que certains pays européens) et, de l’autre, les Etats-Unis et Israël si Washington continue de soutenir le point de vue de Tel Aviv à propos [ des modalités de reconstruction] : si c’est le cas la position américaine serait absolument scandaleuse », a confié au « FT » un diplomate arabe de haut rang, qui n’est pas nommément identifié.
Une partition qui pourrait durer
Le plan du président américain, qui devrait être mis en musique par son gendre Jared Kushner, prévoit certes que la fameuse « ligne jaune » marquant actuellement une frontière temporaire entre les zones sous contrôle israélien et celles encore contrôlées par le Hamas ne finisse par reculer au fur et à mesure que Tsahal se retirera de Gaza. Mais, et c’est bien là le problème, un certain nombre d’observateurs et d’analystes régionaux craignent déjà que cette « partition » de Gaza soit faite pour durer. « Nous ne pouvons pas tolérer que Gaza soit fragmentée, Gaza est une et fait partie des territoires palestiniens » , a récemment martelé lors d’une conférence de presse le ministre des affaires jordaniens Ayman Safadi. Selon lui, l’une des questions essentielles est donc de fixer un calendrier précis de retrait des troupes israéliennes.
Du fait que la majorité de la population de Gaza vit dans des portions sous contrôle du Hamas et, surtout, compte tenu de l’ampleur des dévastations du territoire après deux ans de guerre, « la reconstruction de l’enclave est une priorité pour les Arabes comme pour les Occidentaux », écrit encore le Financial Times qui ajoute « : Mais Israéliens et Américains ont exclu que les fonds alloués à la reconstruction puisse parvenir aux zones où le Hamas est encore en contrôle, [ soit donc la plus grande partie du territoire] »…
Jareh Kushner à la manoeuvre
Jared Kushner a dernièrement enfoncé le clou quand il a évoqué l’idée de commencer la reconstruction par la partie contrôlée par Israël, « arguant que cela pourrait offrir aux Palestiniens une alternative positive à celles d’un Gaza sous contrôle du Hamas ». Il s’agirait selon lui de lancer la construction d’une « nouvelle Gaza » dans le but de « donner aux Palestiniens y vivant un endroit où aller, un endroit où trouver du travail, un endroit où vivre ». Les craintes des Arabes sont donc fondées : le plan Trump pourrait bien être une sorte de plan de partition qui ne dit pas son nom…
Ces sombres perspectives n’incitent évidemment guère à l’optimisme les décideurs moyen-orientaux. Participer à la reconstruction – et à la sécurisation de Gaza- dans le cadre d’un tel plan « donnerait [ de nous] une image désastreuse », relève un autre diplomate arabe cité dans l’article du « FT ».
« On aurait l’impression que nous construisons pour Israël et non pour les Palestiniens. Or, nous ne voulons pas que Gaza devienne une sorte de no man’s land entre guerre et paix, et que la situation actuelle devienne la norme ».
Craintes égyptiennes
Un autre diplomate d’ajouter, catégorique : » Nous avons tous affirmé collectivement qu’aucun Etat arabe ne financerait la reconstruction sur cette base ». La viabilité du plan Trump apparaît, dans ces conditions, plus que jamais sujet à caution. On voit mal comment il pourrait avoir la moindre chance de réussir sans la participation des pays du moyen-orient et , plus largement, celle du monde musulman.
S’ajoute à tout cela un deuxième motif d’inquiétude, surtout pour les Egyptiens : la possibilité que la reconstruction de Gaza soit menée par Tel Aviv au titre d’une sorte d’ « expérimentation » à Rafah, au sud de l’enclave, c’est à dire le long de la frontière égyptienne. Une telle perspective « faciliterait en effet la tâche d’Israël s’il décidait de déplacer les Palestiniens vers l’Egypte ». Une source d’inquiétude majeure pour Le Caire : le gouvernement du maréchal Sissi est littéralement hanté par la perspective de voir débarquer sur son sol des centaines de milliers de Gazaouis fuyant un territoire devenu invivable.
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