Les nouvelles autorités du Niger viennent d’annuler un millier de passeports diplomatiques délivrés par le régime renversé fin juillet. Les listes, très commentées sur les réseaux sociaux, renseignent sur le premier cercle du Président Mohamed Bazoum, dont une cinquantaine d’étrangers, français et libyens principalement.
Un tableau fait particulièrement couler d’encre. Celui des 50 passeports diplomatiques délivrés à des non Nigériens entre avril 2021 et juillet 2023, à la date du coup d’Etat. Il fait apparaître 10 Français et 16 Libyens, les plus nombreux. Mais on compte aussi deux Maliens, un Britannique, un Mauritanien, un Américain, une Chinoise, un Néerlandais, un Turc, deux Burkinabé et un Tchadien, tous conseillers ou conseillers spéciaux du Président.
Les Français d’abord !
Sans surprise, on y retrouve une célébrité de l’amitié franco-nigérienne nouée sous les auspices d’Areva : Sébastien de Montessus, l’ancien directeur des Mines du géant français de l’uranium, désormais aux commandes du groupe minier Endeavour Mining qui possède une succursale au Niger. Endeavour Mining était en 2020 la première société productrice d’or d’Afrique de l’Ouest. De Montessus était déjà conseiller spécial du prédécesseur de Mohamed Bazoum, Issoufou Mahamadou, lui-même ancien directeur des Mines du Niger. Les deux hommes se sont côtoyés dans plusieurs dossiers, y compris parfois sulfureux, comme une mystérieuse opération de trading d’uranium de 300 millions d’euros pilotée en 2011 par Hassoumi Massaoudou, alors directeur de cabinet de Mahamadou Issoufou, sur laquelle enquête la justice française.
Un autre homme d’affaires, inconnu celui-ci, figure en haut de la liste. Il s’agit de François Dennis qui dirigerait la société Générale d’Afrique Technologie Niger. Si l’entreprise n’a guère fait parler d’elle au Niger, il n’en va pas de même au Togo. Un presque homonyme du précédent, né comme lui au Tchad, Dennis Frédéric Adoum, a été mis en cause dans la presse togolaise en 2015 autour de la numérisation de la télévision publique. Il faisait également partie du staff de campagne d’Alpha Condé, en Guinée, il y a trois ans. Dennis Frédéric Adoum figure également sur la liste.
Marie-Luce Skraburski, qui assure pour le compte d’Anne Méaux la communication présidentielle, est également héritée du régime précédent.
La proximité avec la Libye
Parmi les 16 Libyens de la liste, on retrouve quelques noms connus, très proches du colonel Kadhafi tué en 2011 par la coalition de l’OTAN. Abdallah Mansour, libéré après neuf ans de prison, le 19 février dernier, était l’un de ses conseillers. C’est l’un des rares Libyens de la liste qui appartient à la tribu de Mohamed Bazoum, les Ould Souleymane. On trouve aussi Tamer Salah Bachir, frère du directeur de cabinet du colonel Kadhafi, Mabrouka Alshareef, ex-amazone et garde du corps du colonel Kadhafi, très connue dans les milieux touareg nigériens, ainsi qu’un cousin du Guide, Ahmed Abdoulrahim Al Furgani. Trois membres de la famille de Madani Al Azhari, l’ancien secrétaire général de la CEN-SAD qu’on dit avoir été au coeur des circuits de financement libyen du parti rose avant 2011, figurent également parmi les détenteurs étrangers de passeports diplomatiques.
Andrew Allister Knott, le patron de la junior pétrolière Savannah Energy, qui ambitionne de produire prochainement du pétrole dans l’est du Niger, est l’unique Britannique de la liste. Le Mauritanien Mohamed Liman Chafi, lui-aussi conseiller spécial de Mahamadou Issoufou avant Mohamed Bazoum, est connu pour ses bons offices dans les relations avec les groupes armés et les rébellions, notamment en matière de libération d’otages quand le chef djihadiste Mokhtar Ben Mokhtar était encore vivant.
Malins et nigérians
Deux Maliens apparaissent sur la liste. Le premier, Tieman Hubert Coulibaly, est un ancien ministre du Président Ibrahim Boubacar Keita qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis à Bamako pour une affaire de détournements en marge d’un marché d’achat de véhicules blindés. Il fait partie des bêtes noires des militaires au pouvoir à Bamako. Son compatriote serait l’un de ses proches.
Parmi les Nigérians titulaires de passeports diplomatiques, on note trois membres de la famille de Tahirou Mangal, le milliardaire de Katsina qui passe pour avoir été l’un des financiers de la campagne de Mohamed Bazoum après son prédécesseur. Mangal est à la tête d’un empire multiforme dans sa ville natale. Au Niger, il s’est surtout activé dans le transport aérien et l’import export de pétrole. On dit de lui qu’il contrôle la majorité des flux commerciaux entre le Niger et le Nigéria.
Depuis près d’une semaine, le secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères du Niger a transmis cette liste aux chefs de missions diplomatiques et postes consulaires du Niger «pour dispositions utiles à prendre» à l’égard de personnes «nigériennes et non nigériennes n’étant plus en position de détenir lesdits passeports.»