Il s’agit d’un pas important vers la justice pour les victimes de crimes commis dans le cadre du conflit depuis 2012
Le procès de deux dirigeants anti-balaka qui s’ouvrira le 9 février 2021 sera le premier à se tenir devant la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes graves commis lors du conflit en République centrafricaine depuis 2012, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch, qui publie également un document « questions-réponses » sur le procès en vue d’expliquer la procédure et de fournir des éléments de contexte.
Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yekatom sont les leaders anti-balaka les plus importants à être jugés à ce jour, et les premiers devant la CPI. Après l’éviction en 2012 du président centrafricain François Bozizé par les dirigeants musulmans de la Séléka, des milices chrétiennes appelées anti-balaka s’étaient livrées à des représailles contre la Séléka et tous ceux qu’elles considéraient comme des soutiens de leurs ennemis, les civils se retrouvant pris en étau.
« L’ouverture du procès de Yekatom et Ngaïssona est une étape importante pour rendre justice aux victimes de crimes brutaux commis lors de l’actuel conflit en République centrafricaine », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du Programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Un vide judiciaire a alimenté des violences répétées en République centrafricaine, avec une nouvelle vague d’attaques rien qu’au cours des deux derniers mois. Des procès équitables et crédibles pour les atrocités commises sont essentiels pour que le pays brise ces cycles de violences. »
La récente recrudescence de la violence est allée de pair avec l’élection présidentielle du 27 décembre 2020. Une nouvelle coalition rebelle a lancé de multiples attaques, faisant plusieurs morts parmi les Casques bleus et provoquant de nouveaux déplacements massifs de civils. La coalition est composée de factions issues à la fois des anti-balaka et de la Séléka. Les récentes violences ont mis fin à un accord de paix conclu en 2019.
Yekatom, connu sous le nom de « Rombhot », était caporal-chef dans l’armée nationale avant le conflit, avant de se promouvoir « colonel » lorsqu’il est devenu l’un des chefs de file anti-balaka en 2013. Ngaïssona, qui était un coordinateur politique autoproclamé des anti-balaka, a ensuite occupé un poste de direction à la Confédération africaine de football. Le 3 septembre 2014, Human Rights Watch s’est entretenu par vidéo avec Ngaïssona, qui n’a pas contesté la responsabilité des anti-balaka dans certains abus ou qu’il est un dirigeant de ce groupe.
Yekatom et Ngaïssona sont visés respectivement par 21 et 32 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Parmi ces chefs d’accusation figurent les attaques intentionnellement dirigées contre la population civile, le meurtre, les attaques dirigées contre des édifices religieux, la déportation ou le transfert forcé de population et le déplacement de population civile, la persécution et l’enrôlement d’enfants soldats. Ngaïssona fait également face à une accusation de viol.
Le tribunal a émis des mandats d’arrêt contre Yekatom et Ngaïssona en novembre et décembre 2018 et tous deux ont été remis à la CPI peu de temps après par la République centrafricaine et la France, respectivement. En février 2019, la CPI a fusionné leurs affaires.