Mauritanie, le nouveau « Ghanagate » du président Aziz

28/05/2019 – Nicolas Beau

Fleuron de l’industrie minière mauritanienne, la SNIM serait sur le point  d’être dépossédée de son actif le plus juteux dans des conditions obscures.

Le temps presse! Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, doit quitter le pouvoir après le scrutin présidentiel du 23 juin prochain. En effet, ce chef d’état déconsidéré ne s’est pas porté candidat aux élections faute d’appuis suffisants au sein des élites politiques et de l’armée. Du coup, lui et ses proches sont pris désormais d’une sorte de panique à l’idée de ne plus pouvoir bientôt piller leur pays à leur guise.

Il ne se passe pas un jour à Nouakchott sans qu’on annonce de nouvelles acquisitions au profit du clan présidentiel. Après avoir fait main basse sur des écoles publiques, des commissariats de police, une partie du stade olympique, les terrains de la télévision publique et de l’ancien aéroport, voici le président Aziz qui convoite une partie des actifs de la SNIM, le fleuron de l’industrie minière mauritanienne.

Le samedi 25 mai, des émissaires de la société australienne BCM International sont venus discrètement à Nouakchott pour conclure l’accord sur le gisement de fer de « Fderick », un des plus rentables de la SNIM dans l’extrême nord du pays.

Un nouveau « Ghanagate »

Le groupe australien est basé à Accra au Ghana, le pays africain où, voici quelques années, éclata scandale de fausse monnaie baptisé « Ghanagate » impliquant l’actuel président mauritanien.

La transaction avec le groupe australien avait été négociée depuis plusieurs mois par le beau-frère du président Aziz, Mohamed Ould Msaboue, et l’homme d’affaires Mohyedine Ould Sahraoui. Les deux hommes ont préparé l’accord dans le secret le plus total et en évitant même de prendre les mêmes avions pour se rendre au Ghana.

La nomination voici quelques mois d’un nouveau directeur général à la SNIM, un franco-mauritanien Hassena Ould Ely, que rien ne prédisposait  à  diriger cette entreprise s’inscrivait également dans la préparation de cet accord. Proche du président Aziz, cet ancien ministre de la Pêche, un secteur stratégique livré aux Chinois, fut le patron successif de « Mauritania Airlines » puis du Port de Nouakchott. Et chaque fois peu de temps avant des ventes d’actifs suspectes

D’après un document anonyme largement diffusé et puisé aux meilleures sources, un contrat de concession aurait été signé pour une durée de vingt ans. Une société mixte serait créée où la Snim ne posséderait que 20% du capital et ses partenaires étrangers 80%. Il s’agissait pour les amis du président Aziz de faire vite avant les élections présidentielles. Les investisseurs avaient déja investi au Liberia où ils sont poursuivis par la société African Champions Industries (ACI). Le tribunal d’Accra a orddonné l’arrèt de l’exploitation de la mine Nzema, objet du litige entre ACI et BCM.

Une véritable pépite

En matière de partenariats pour l’exploitation minière, la stratégie de la Snim a toujours été de développer elle-même les gisements naturellement riches et de s’associer pour des gisements nécessitant des investissements lourds. Cet usage est en train de connaitre la première exception.

Le gisement de « Fdérik » recèle des réserves de 30 millions de tonnes de minerai d’excellente qualité. La Snim avait déjà réalisé une étude de faisabilité en 2018 pour son exploitation sur une période de quinze ans.
Selon les termes de cette étude, le coût de l’investissement ne devrait pas excéder les 200 millions de dollars, avec un coût de production proche de 20$/t, une aubaine sur un marché où le prix de vente dépasse généralement les 100 $/t.

Dans un contexte d’épuisement des gisements actuellement exploités, « Fderick » constitue sans nul doute une véritable pépite.

Des comptes à rendre

Les candidats aux prochaines élections présidentielles ont été plusieurs à dénoncer l’accord passé subrepticement par la SNIM avec la société australienne. Candidat de la mouvance anti esclavagiste et député mauritanien, Biram a dénoncé devant une foule nombreuse (voir ci dessus) le système de corruption du régime qu’illustre le pillage des richesses minières du pays.

Dans l’hypothèse d’une alternance véritable lors des élection du 23 juin ou d’un embrasement de la rue mauritanienne à la façon du Soudan ou de l’Algérie, les membres du Conseil d’administration de la SNIM pourraient bien avoir à rendre compte du bradage des ressources du pays.

http://www.rfi.fr/afrique/20190527-mauritanie-polemique-accord-signe-mine-fderick-ould-maouloud-bcm