Maroc, de sourdes batailles autour des décombres du Groupe Ben Laden

21/01/2019 – Nicolas Beau

Alors que le patron du « Saoudi Benladin Group » et demi frère d’Oussama (1), Bakr bin Laden, est emprisonné en Arabie Séoudite, beaucoup se disputent les dépouilles de cet empire industriel. Au Maroc, la bataille juridique fait rage !

Président du groupe Saudi Binladin, qui fut un véritable empire au moment de sa splendeur, Bakr bin Laden en était le vrai patron et régnait en maitre sur la deuxième ville du Royaume, Djeddah, siège de son entreprise. A son apogée, l’empire Ben Laden comptait plus de 100 000 employés et constituait le plus grand constructeur du pays. Le groupe était un levier essentiel pour les projets de Riyad en matière de grands projets immobiliers, industriels et touristiques afin de diversifier l’économie au-delà du pétrole. Et son Président reçu comme un chef d’Etat dans le monde arabe et maghrébin où on lui déroulait le tapis rouge.

Dettes, 100 milliards de dollars

Hélas pour la famille Ben Laden, le groupe a brutalement périclité ces deux dernières années, il s’est considérablement endetté et doit apparemment de considérables arriérés au Royaume séoudien. Vrai? Faux? La dette du groupe Ben Laden, d’après Riyad, porterait sur quelque 100 milliards de dollars. Excusez du peu !

Autant de raisons suffisantes aux yeux du Prince héritier, Mohamed ben Salmane, dit HBS, qui n’est pas un tendre, pour emprisonner Bakr bin Laden en octobre 2017. C’est l’époque où, encouragé par une excellente image internationale, il emprisonnait des dizaines d’entrepreneurs et de hauts fonctionnaires officiellement pour corruption, en fait pour arrondir sa cagnotte.

Depuis, la plupart des hommes d’affaires ainsi assignés à résidence ont fait allégeance au maitre du moment, MBS, à l’exception de Bakr bin Laden, qui n’a pas voulu rendre gorge. Résultat, le voici toujours en détention en Arabie Saoudite et son groupe sous contrôle de l’Etat, alors que des « négociations » seraient toujours en cours.

Du coup, une foule d’héritiers se disputent les dépouilles du groupe, notamment au Maroc où Bakr bin Laden et ses proches possèdent des biens immenses: des centaines d’hectares, des terres agricoles, de nombreux immeubles et même deux ou trois Palais.

Une captation d’héritage

A la manoeuvre pour s’emparer de ces biens vacants, se trouve un cousin de Bakr et d’Oussama du nom de Maazen Al Sawwaf, qui vit entre Paris et Londres. Ce parent prétend lui aussi que le groupe est considérablement endetté à son égard, ce qui justifierait qu’il tente de récupérer l’essentiel des biens de la compagnie au Maroc. Ces dernières semaines, plusieurs de ses collaborateurs cherchent au Maroc des alliés dans cette tentative de récupérer l’héritage marocain du groupe séoudien.

Il se trouve que Mazen Al Sawwaf est un de ces grands intermédiaires, riche et puissant, qui a ses entrées dans de nombreuses chancelleries. Le Quai d’Orsay le courtise avec l’espoir qu’il ouvre les portes du Royaume séoudien aux entreprises françaises. Par ailleurs, il joue un rôle central et moins connu dans les relations entre l’Arabie Saoudite et Israel, deux pays qui se sont considérablement rapprochés depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.

Assez naturellement, Mazen Al Sawwaf utilise, dans son entreprise de captation au Maroc, des réseaux juifs marocains fort influents. Il semble que Serge Berdugo ancien ministre de Hassan II et figure emblématique de la communauté israélite du Maroc, aie prêté main forte à ce qui ressemble fort à une captation d’héritage (2).

Par chance, la bataille de réseaux qui s’annonce au Maro, aussi féroce soit-elle, ne prendra pas les formes sanguinaires qu’utilise MBS en Arabie Saoudite lorsqu’il s’agit d’éliminer ses opposants à la tronçonneuse ou, plus prosaïquement, de compléter ses fins de mois.

(1) Oussama Bin Laden, le fondateur d’al-Qaïda qui a été tué par les forces américaines en 2011, faisait partie de la même famille que les patrons de la compagnie. Laquelle n’avait aucun lien avec le fondateur du mouvement terroriste.

(2) Le Secrétaire Général du Conseil des communautés israélites au Maroc, Serge Berdugo, a été nommé parmi les Top 100 des personnalités influençant positivement la vie juive en 2018, une liste établie par la publication « Algemeiner » (basée aux USA). Au même titre que le président américain Donald Trump.