« Islam de France », on ne change pas une équipe qui perd

25/02/2019 – La redaction de Mondafrique

Le ministre français de l’Intérieur et des cultes, Christophe Castaner, préfère les caciques du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) au visiteur du soir de l’Elysée, Hakim El Karoui, qui tente, sans succès, d’adapter l’organisation de l’Islam à ses ambitions personnelles.

La réunion des membres du CFCM avec Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur et des cultes, à l’Institut du Monde Arabe en janvier dernier est presque passée inaperçue dans les grands médias qui ont pourtant tous des chroniqueurs religieux attentifs aux avatars de « l’organisation » de l’Islam. Mais cette rencontre revêt une importance quasi-historique pour les responsables musulmans érigés en « représentants » par le bon vouloir du Bureau Central des Cultes, rattaché au ministère de l’Intérieur.

Ces fonctionnaires préposés aux religions s’inquiètent de l’omniprésence de Hakim El Karoui, un proche d’Emmanuel Macron qui dans des médias amis, tente de vulgariser les copiés-collés sur l’Islam de France de « l’Institut Montaigne », la Fondation financée par le groupe Axa à laquelle il collabore. Son insistance en faveur du contrôle de l’opaque  marché de la viande halal, un projet qu’ont refusé tous les ministres de l’Intérieur successifs depuis un quart de siècle, a fini par faire de l’ami Hakim une sorte de « Grand Satan » aux yeux des responsables des mosquées en France.

Pour ces « bureaucrates de la foi », le dialogue avec l’Etat laïque n’a de sens que s’il permet d’additionner les privilèges, en écartant les intrus. Ainsi les avantages liés par la reconnaissance du ministère français de l’Intérieur s’ajoutent aux prébendes consentis par les pays musulmans soucieux de faire perdurer leur influence sur les mosquées en France.

La chasse aux sorcières

Du discours du nouveau ministre de l’Intérieur chargé des Cultes, ces gestionnaires de « l’Islam de France » n’ont retenu que le propos qui les maintient comme « interlocuteurs ». Voici -enfin!- désavoué Hakim El Karoui qui se prévaut du soutien du président de la République.

Les membres du CFCM se sont alors lancés dans une chasse aux Judas soupçonnés d’avoir été en contact avec Hakim El Karoui quand il faisait son tour de France pour populariser une nouvelle structure, l’Association Musulmane de l’Islam de France (AMIF), qui s’ajoute à combien d’autres entités plus ou moins inutiles?

L’ire du CFCM s’est abattue sur Abdelhaq Nabaoui, aumônier régional s’occupant à la fois des hôpitaux et des casernes. Motif avancé, sa participation à la réunion de l’AMIF d’Hakim El Karoui. Mais surtout Abdelhaq Nabaoui avait eu le tort, aux yeux de ces rentiers de l’Islam, de dénier au CFCM toute légitimité en matière de nomination d’aumôniers.

Du coup, Ahmet Ogras, le contesté président de cet organisme, a menacé de soumettre le cas Nabaoui aux…préfets! Quel mélange des genres ! Ahmet Ogras le turc confond sûrement le système fondé par Mustapha Kemal qui consent un réel pouvoir à la Dinyiat, une sorte de ministère des « affaires » religieuses, avec la laïcité française qui affirme la séparation du religieux et de l’administratif.

Voici donc l’action du Bureau Central des Cultes jugée à nouveau acceptable. Du moins si elle débouche sur une vraie séparation entre l’Islam en France et les Etats peu démocratiques, type Algérie ou Maroc) qui continuent à le régenter.

Chicayas chez les notables de l’Islam

Deux anciens présidents marocains du CFCM devenus « présidents d’honneur » profitent de cette crise pour étaler leurs querelles. Anouar Kbibech cherche surtout à placer son ami, l’actuel président du CRCM d’Alsace, Amine Nedjdi à la place de Nabaoui.

Mohammed Moussaoui, lui, gère un important budget servant pour rémunérer une trentaine d’imams du Makhzen. « Participer aux réunions de Karoui, répète-t-il, ne saurait être un délit ».

Par ailleurs, un franco-algérien, Chemseddine Hafiz, s’agite dans les coulisses pour briguer la succession du recteur Boubakeur à la Mosquée de Paris. Des titres, cet avocat d’affaires en possède une pelletée, à la fois fin connaisseur des paradis fiscaux, cumulard de mandats du conseil de l’ambassade d’Algérie à Air Algérie, homme fort de l’émission dite « islamique ». C’est Nicolas Sarkozy qui l’avait intronisé sur France II avec l’onction de l’ex DRS (services algériens. Son grand protecteur en effet fut le général Bendaoud, qui fut longtemps le tout puissant représentait le DRS à Paris.

Guerres de chiffonier

Maitre Hafiz a noué une solide alliance avec Abdallah Zékri, perpétuel candidat à la présidence du CFCM qui cherche à intimider ses contradicteurs en s’inventant des protections en haut lieu à Alger. Son habitude est de dénoncer comme « agent du Maroc » tout Algérien qui manifeste le moindre désaccord.

Les deux hommes tentent de négocier avec les ambassadeurs d’Algérie, de Turquie et du Maroc une nouvelle combinaison permettant de renforcer leur emprise sur le prochain bureau du CFCM et à terme la conquête de la Mosquée de Paris. Pour réaliser leurs desseins, les compères n’hésitent pas à négocier avec les services marocains et menacent d’évincer Ghaleb Bencheikh, intellectuel brillant et président de la Fédération de l’islam de France (FIF), de ses fonctions d’animateur de l’émission sur l’Islam du dimanche matin.

Tandis que le microcosme de l’Islam de France s’agite, Emmanuel Macron a reporté pas moins de cinq fois son fameux discours sur l’Islam.