L’éducation des filles en Afrique: un enjeu décisif

11/10/2018 – La redaction de Mondafrique

Pour Human Right Watch, les gouvernements devraient mettre fin à toute discrimination en matière d’éducation à l’encontre des filles enceintes et des mères adolescentes

(Nairobi, le 11 octobre 2018) – Les gouvernements africains devraient garantir le droit de toutes les filles à une éducation en mettant fin aux discriminations dont sont victimes celles qui sont enceintes ou qui ont des enfants, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch, à l’occasion de la Journée internationale de la fille, fêtée sous l’égide des Nations Unies.

Le thème de la réunion de cette année, « With Her: A Skilled GirlForce » (« Avec elle: pour une main d’œuvre féminine qualifiée »), revêt une importance particulière pour l’Afrique, où les gouvernements contraignent des dizaines de milliers de jeunes filles à abandonner leurs études prématurément et renoncent à les doter de compétences adéquates.

« L’Afrique ne pourra pas se doter d’une main d’œuvre qualifiée tant que les autorités chasseront les filles de l’école parce qu’elles sont enceintes », a déclaréAgnes Odhiambo, chercheuse senior auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch. « Quand des filles ont accès à une éducation de qualité, elles acquièrent les compétences et les connaissances dont elles ont besoin pour réaliser leur potentiel et transformer leur vie, leurs familles et leurs communautés. »

En Guinée équatoriale, en Sierra Leone et en Tanzanie, les responsables gouvernementaux et académiques dénient aux filles enceintes le droit de fréquenter l’école. Dans les autres pays d’Afrique, les gouvernements ne font pas suffisamment d’efforts pour s’assurer que les mères adolescentes puissent reprendre le cours de leurs études après une grossesse.

En 2013, les États membres de l’Union africaine (UA) ont adopté à l’unanimité l’Agenda 2063, une stratégie de développement économique et social à l’échelle du continent. Dans le cadre de cette stratégie, les gouvernements africains se sont engagés à renforcer le « capital humain » de l’Afrique, que l’UA a défini comme étant « sa ressource la plus précieuse », grâce à des investissements durables dans l’éducation, notamment par « l’élimination des disparités de genre à tous les niveaux de l’éducation. »

En 2017, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant ont appelé les pays africains à mettre en place des mesures visant à accorder aux filles et aux garçons un accès égal à l’éducation. La Commission et le Comité ont conjointement déclaré qu’« il est obligatoire… de faciliter le maintien ou le retour à l’école des filles enceintes ou devenus mères. ». En 2018, l’UA a appelé les pays membres à « ne laisser aucun enfant de côté pour le développement de l’Afrique ».

Bien que de nombreux gouvernements africains aient pris de fermes engagements pour garantir que les filles enceintes et les jeunes mères puissent aller à l’école, les filles se heurtent toujours à de grosses difficultés pour s’inscrire et se maintenir dans le système éducatif, et à exceller sur le plan académique, a déclaré Human Rights Watch. De nombreuses mères adolescentes ne vont plus à l’école à cause d’une mauvaise mise en œuvre et d’une supervision inadéquate des politiques nationales en matière de retour. Les filles enceintes et les mères adolescentes font souvent l’objet d’ostracisme et de rejet, elles ne reçoivent qu’un soutien faible, voire inexistant, de la part de leurs familles ou de leur établissement scolaire, elles sont stigmatisées par les responsables gouvernementaux, sont confrontées à des difficultés économiques et sont parfois vulnérables à l’exploitation et aux violences. Tous ces problèmes constituent autant d’obstacles pour les filles qui essayent de poursuivre leur éducation.

Selon certaines politiques gouvernementales discriminatoires, l’éducation des mères adolescentes est souvent considérée comme un privilège qui peut être retiré en guise de punition. En juin 2018, le Burundi – pays où la violence sexuelle est généralisée dans un climat d’impunité quasi-totale – a subitement mis fin à sa politique qui protégeait précédemment le droit des filles à l’éducation, même en cas de grossesse, et quel que soit leur statut matrimonial. En juin 2018, le ministre de l’Éducation du Burundi a interdit à tout adolescent responsable d’une grossesse, ainsi qu’aux filles tombées enceintes – y compris en cas de mariage forcé – à suivre des cours dans une écoles publique ou privée. Un mois plus tard, dans des circonstances peu claires, le ministre a levé cette interdiction.

Dans certains pays, les mères adolescentes ne peuvent poursuivre leur scolarité que dans des centres de formation technique ou professionnelle, ce qui peut induire un coût élevé pour une qualité d’études parfois médiocre. Human Rights Watch a constaté que les élèves sont souvent confrontées à un choix limité de matières techniques qu’elles peuvent étudier dans ces centres.

L’Union africaine ne devrait pas tolérer la discrimination à l’égard des filles enceintes et des mères adolescentes. L’UA devrait inciter tous les pays membres à mettre fin, au niveau politique et dans la pratique, à l’expulsion des étudiantes qui tombent enceintes ou qui se marient. Les gouvernements devraient veiller à ce que ces filles puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin pour poursuivre leur scolarité, par exemple en s’assurant qu’elles aient le temps de faire des vérifications prénatales, le droit à des pauses d’allaitement ou le droit de s’absenter en cas de maladie de l’enfant ou en cas d’autres exigences médicales ou bureaucratiques.

Les gouvernements africains devraient également adopter une approche globale à l’égard de l’éducation des filles, lutter contre les divers facteurs qui conduisent aux grossesses précoces, et tâcher de résoudre les difficultés ces filles de poursuivre leur éducation. Les gouvernements devraient éliminer les frais de scolarité aux niveaux primaire et secondaire et fournir un soutien financier aux filles à risque ou particulièrement vulnérables. Les gouvernements devraient aussi améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles publiques, y compris par le biais d’une formation efficace des enseignants.

Les gouvernements devraient également veiller à ce que les écoles disposent de systèmes garantissant la sécurité des élèves. Ils devraient aussi assurer aux adolescentes une formation et des prestations en matière de santé sexuelle et procréative à l’école et dans leur communauté, permettant aussi un meilleur contrôle des naissances. Les gouvernements devraient également mener des campagnes d’information afin de mieux sensibiliser les parents ou tuteurs, et d’une façon générale les communautés, sur les bienfaits de l’éducation des filles.

« Interdire aux filles enceintes d’aller à l’école est contre-productif et porte atteinte aux obligations juridiques internationales des gouvernements africains », a conclu Agnes Odhiambo. « Veiller à ce que toutes les filles bénéficient d’une éducation de qualité, sans discrimination, est essentiel pour qu’elles puissent rejoindre une main-d’œuvre qualifiée contribuant au développement de toute l’Afrique. »

Pour consulter le rapport « Ne marginaliser aucune fille en Afrique » (2018), veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/report/2018/06/14/ne-marginaliser-aucune-fille-en-afrique/discrimination-dans-leducation-contre-les

Pour lire d’autres communiqués de Human Right Watch sur les droits des enfants, veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/topic/droits-de-lenfant

Pour lire d’autres communiqués de Human Right Watch sur les droits des femmes, veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/topic/droits-des-femmes

Pour lire d’autres communiqués de Human Right Watch sur l’Afrique, veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/afrique