Carnet de route (1/8), Sidi Bouzid, le berceau de la révolution

20/07/2018 – Nicolas Beau

Berceau de la révolte qui a emporté le régime de Ben Ali en 2011, Sidi Bouzid reste le symbole de la Tunisie des oubliés. Portrait d’un ville délaissée

Un monde sépare Tunis de Sidi Bouzid. La route qui s’enfonce à l’intérieur du pays laisse derrière elle tous les poncifs déversés sur le pays du jasmin: la douceur des cafés chics de La Marsa, la plage dorée de Hammamet, la ville sainte de Kairouan.

Sur le tableau de bord de la voiture, la température extérieure augmente à mesure que les kilomètres défilent. Les vignes réputées du Cap-bon, au sud de Tunis, sont loin. Place aux figuiers de barbarie et aux terres arides. Une chaîne de montagnes pelées, trouées de carrières de pierre accompagne le voyageur jusqu’à l’entrée de Sidi Bouzid, petite cité enclavée battue par le souffle ardent du Sirocco.

La légende Bouazizi

En suivant la grande avenue centrale qui perce la ville, on voyage à travers les quatre années passées. De bout en bout, les murs qui bordent la route sont marqués au fer rouge par les révoltes qui ont mis fin au régime de l’ancien président Ben Ali. C’est ici que tout a commencé, devant les grilles noires du gouvernorat de Sidi Bouzid, imposant bâtiment administratif surmonté d’un cadre massif en pierre blanche et du croissant rouge tunisien. A cet endroit, le 17 décembre 2010, le jeune vendeur de rue Mohamed Bouazizi craquait une allumette après s’être versé un bidon de térébenthine sur le corps. Un geste exprimant le désespoir de toute une région, déshéritée, oubliée de l’Etat et minée par le chômage. Le soulèvement populaire qui a suivi s’est répandu comme une traînée de poudre dans toute la Tunisie.

Dans les rues de Sidi Bouzid, contrairement à Tunis, on ne parle pas de « la révolution du 14 janvier 2011 », date du départ de Ben Ali, mais bien de celle du « 17 décembre ». La ville, berceau des révoltes qui ont emporté le monde arabe soigne méticuleusement la légende Bouazizi qu’elle a gravé dans son marbre. Autour de la grande avenue, une nuée de vendeurs ambulants se sont installés à la place du héros local. « C’est devenu une mode » plaisante un habitant un brin agacé par le désordre. A quelques pas du gouvernorat, un immense portrait de Bouazizi veille sur les quelques 40 000 habitants de la ville. Au pied de l’icône, la statue d’une charrette en pierre a été érigée en l’honneur du jeune martyr. Tout autour, les murs couverts de graffiti retracent l’histoire de l’interminable transition tunisienne : « Ben Ali dégage », «  Ennahda dégage », « Restez debouts les Tunisiens, tout le monde est fier de vous ».

« Rien n’a changé »

Mais quatre ans après le sursaut populaire qui a enflammé le pays, la désillusion a gagné les habitants de Sidi Bouzid. A une dizaine de mètres du gouvernorat, un rideau de fer est tiré devant l’entrée des anciens locaux du parti islamiste Ennahda, grand vainqueur des élections du 23 octobre 2011. A l’été 2012, une horde de manifestants a saccagé puis brûlé les lieux pour protester contre l’incapacité des nouveaux responsables politiques à faire mieux que leurs prédécesseurs. Un an après, les locaux des délégations d’Ennahda à Menzel Bouzayen, Meknessy et Mazouna, dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, ont subi le même sort.

Dans les ruelles pauvres qui bordent l’avenue principale, la frustration est palpable. « Rien n’a changé ! s’indigne Faïza, une habitante d’Ennour, l’un des quartiers populaires les plus actifs lors des soulèvements de 2010. Au milieu d’une petite cour cimentée à l’ombre d’un amandier, la jeune femme poursuit, le visage fermé : « l’Etat continue d’ignorer notre région comme il l’a toujours fait. Il n’y en a que pour Tunis, Sfax, et les gens de l’est du pays. Ici, il n’y a pas de travail. En plus maintenant, il n’y a plus d’Etat. L’insécurité et les trafics augmentent ». Employée dans un établissement scolaire de la ville, Faïza gagne 230 dinars par mois (115 euros) soit moins que le smig tunisien fixé à environ 300 dinars (150 euros). A quelques mètres de chez elle, au creux d’un lotissement en pierre blanche, on aperçoit l’ancienne maison de Bouazizi, laissée à l’abandon. Après voir touché 20 000 dinars (10 000 euros) de compensation gracieusement offerts par Ben Ali, la famille a été déménagée de Sidi Bouzid à La Marsa, commune aisée de la banlieue de Tunis. « De l’enfer au paradis » ironise un passant.

Plombée par une économie qui tourne au ralenti, des salaires de misère et un taux de chômage proche 25% contre 16% pour l’ensemble du pays, Sidi Bouzid vit aujourd’hui adossée au commerce parallèle. A la lisière de la cité, face aux plaines fertiles de la Gammouda où sont produits 25% des fruits et légumes du pays, les grandes routes de la contrebande tunisienne se croisent dans un décor de western. Les panneaux indiquent Sidi Ali Ben Oun, Bir el-Hafey, Sidi Salem, Jelma, Kasserine. Autant de points de passage des marchandises en tout genre provenant d’Algérie et de Libye : électroménager, véhicules, mais surtout essence. Sur la route goudronnée qui mène au centre de Sidi Bouzid, un pick-up gris non immatriculé chargé de bidons file à toute vitesse. Dans la ville, de petits stands improvisés sur le bord des routes caillouteuses vendent le précieux carburant trois à quatre fois moins cher qu’à la pompe. « En transportant l’essence, on peut gagner soixante dinars (trente euros) la journée » explique un revendeur. Un business lucratif dont les chefs de la police et de la garde nationale locale sont soupçonnés d’être les complices. Dans cette région désertée par les investisseurs, la contrebande est une bouée de sauvetage pour de nombreux jeunes chômeurs.

Une économie à la ramasse

Pour Rachid Fetini, homme d’affaires engagé dans les révoltes du 17 décembre, la situation est catastrophique. « Quand Ben Ali est parti, on s’est dit ça y est, la Tunisie va devenir la Chine de l’Afrique. Mais en fait, on a remplacé la peste par le choléra ! ». A bord d’une petite petite voiture de ville, Rachid s’enfonce dans les chemins troués de nids de poule qui mènent vers l’extérieur de la ville. Une odeur pestilentielle envahit l’air. Droit devant, une immense décharge à ciel ouvert s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares. « Voilà où on en est quatre ans après la révolution », se désole Rachid. « Les ordures envahissent l’espace car l’Etat ne fait plus rien, et l’économie est toujours au point mort. »

Jamais démantelées, les lourdeurs administratives datant de l’ancien régime continuent de freiner le développement de la région. Difficile, voire impossible par exemple de changer la vocation des terres agricoles en terres industrielles susceptibles d’accueillir des usines. « Quand bien même un entrepreneur souhaite investir, il est découragé d’emblée » explique Rachid. « C’est pour cela qu’il n’y a pratiquement pas d’unités de transformation de légumes et fruits à Sidi Bouzid, malgré une production très importante ». Pire, 90% des terrains ne sont pas titrés. « Ces terres sont gérées par l’Etat de manière non rentable. Des particuliers pourraient optimiser leur exploitation. Mais pour l’instant, les agriculteurs ne peuvent ni les vendre, ni accéder aux crédits » explique-t-il.

Les années Ben Ali pèsent donc encore de tout leur poids sur la vie économique de Sidi Bouzid. Une paralysie qui jure avec le développement immobilier frénétique de la ville. Partout au bord des routes, sur la moindre parcelle de terrain vague, des constructions anarchiques sortent de terre. Inachevés, ces bâtiments de brique et de béton ouverts aux quatre vents donnent au berceau de la révolution tunisienne des airs de ville fantôme. Depuis la fin de l’ancien régime, plus besoin de permis pour faire bâtir une propriété. « Avant, on payait un bakchich au RCD, le parti au pouvoir, et on obtenait l’autorisation de construire. Aujourd’hui, on fait ce qu’on veut » poursuit Rachid. Une aubaine pour les fortunes du pays qui souhaitent placer leur argent. « Un bon moyen surtout pour les mafias locales de blanchir de l’argent sale » confie un investisseur proche du pouvoir.

Une initiative sauve toutefois le bilan économique calamiteux de Sidi Bouzid. Posés au beau milieu des champs dans la zone industrielle de Lassoueda à l’orée de la ville, de grands bâtiments modernes semblent tout droit descendus de l’espace. C’est la toute nouvelle centrale laitière de la région inaugurée fin juin par le groupe industriel Délice. A la clé, 227 emplois directs et 10 000 indirects à pourvoir. Le patron de la société, Hamdi Meddeb, n’est autre que l’ex-associé du gendre de Ben Ali, Sakher El Materi. Relativement épargné par les remous postrévolutionnaires, celui que l’on surnomme le « Monsieur lait » de la Tunisie est également parvenu à se maintenir à la présidence de l’Espérance sportive de Tunis (EST), le club de football de la capitale qu’il dirige depuis 2007. A Sidi Bouzid, on applaudit les efforts de cet investisseur associé à la période Ben Ali. Mais beaucoup s’interrogent. Les hommes de l’ancien régime seraient-ils en train de se refaire une santé ?

Dilemme cornélien

Dans la fraîcheur du soir, au café du puissant syndicat UGTT qui jouxte les bureaux de la branche régionale, les mêmes questions alimentent les discussions agitées des militants de gauche. Comment composer avec les autres forces politiques, de l’ancienne et de la nouvelle ère ? Notamment pour les élections législatives et présidentielles de la fin d’année. Le dilemme est cornélien. « Je déteste Nahda, mais je ne veux pas d’une alliance avec les forces de l’ancien régime qu’on a toujours combattu » affirme un militant du Front populaire poing sur la table. Opposant de longue date à Ben Ali, l’homme a connu la répression de l’ancien régime. « J’ai séjourné plusieurs fois dans la prison de Sidi Bouzid et une fois à Tunis » raconte-t-il amer.  « Je ne peux tolérer que les hommes de Ben Ali reviennent ». Assis en face de lui, un homme plus jeune n’exclut pas de se rapprocher de Nidaa Tounes, la formation politique de Béji Caïd Essebi, ancien du RCD de Ben Ali et adversaire des islamistes. « Le ni-ni ça ne sert à rien » rétorque-t-il. « Je ne peux pas accepter que mon pays s’enferme dans les valeurs rétrogrades de Nahda. Or, aujourd’hui, il n’y a que Nidaa Tounes qui puisse faire le poids. »

Excédé par l’incapacité du pouvoir à remédier à la crise économique, le jeune homme assure avoir battu le pavé de Sidi Bouzid à chaque manifestation anti-Nahda. Avant tout « parce qu’ils laissent les milices salafistes faire ce qu’elles veulent alors qu’elles souhaitent imposer la charia ! ». En octobre 2012 se souvient-il, avec une foule d’un millier de personnes, il a réclamé le départ du gouverneur nahdaoui Mohamed Néjib Mansouri devant le bâtiment où s’est immolé Bouazizi. Forcé d’évacuer son bureau face à la violence des échauffourées avec la police, Mansouri a finalement été contraint de jeter l’éponge. « Quand il est parti, j’ai respiré » affirme le militant.

Ce départ n’a pourtant pas suffit à éteindre la colère de Sidi Bouzid. Au deuxième étage des locaux de l’UGTT, sous les portraits noir et blanc des grandes figures du syndicat, le secrétaire général adjoint de la centrale, Lazhar Gharbi, tonne : « La colère de la révolution s’est déportée sur Ennahda qui n’a rien fait pour les régions de l’intérieur ». Et le syndicaliste de critiquer l’actuel gouverneur Ammar Khababi, ancien magistrat proche du ministre de l’intérieur Lofti Ben Jeddou et porteur des idées d’Ennahda. « Depuis huit mois, il ne s’est jamais coordonné avec les représentants des partis de gauche ni avec la société civile. Il ne collabore qu’avec Ennahda ! »

Dans la rue, le malaise social gronde encore plus fort. Il a dégénéré plusieurs fois en de violentes démonstrations d’hostilité ciblant les autorités nationales. Lors de la célébration du deuxième anniversaire de la révolution en décembre 2012, les anciens représentants de la « troïka » qui était alors au pouvoir, Moncef Marzouki, Ali Larayedh et Mustapha Ben Jaafar ont été accueillis à l’entrée de la ville par des jets de pierres. Un an plus tard, les mêmes dirigeants ont carrément préféré annuler leur visite.

Hechmi Hamdi, l’outsider millionnaire

Dans les urnes enfin, Sidi Bouzid se démarque aussi. Elle fut la seule circonscription à ne pas voir Nahda arriver en tête aux élections d’octobre 2011. C’est la formation Al-Aridha, la «Pétition populaire », dirigée par le millionnaire Hechmi Hamdi, originaire de la région qui l’a emporté. Installé en Angleterre, Hamdi a su utiliser efficacement sa chaine de télévision, al-Mostakilla, diffusée depuis Londres pour s’adresser aux laissés pour compte. En promettant des soins gratuits pour tous, une allocation de deux cent dinars (cent euros) pour les chômeurs en contrepartie d’heures de travail pour la collectivité, l’homme a obtenu trois sièges à l’assemblée.

Les tribus,, le vrai pouvoir

Son succès inattendu a également mis en exergue le rôle des tribus dans la mobilisation électorale. Issu du clan des hamama majoritaire à Sidi Bouzid, Hechmi Hamdi a fait jouer ses relais tribaux sur place sans jamais avoir à sortir de Londres et a joué volontairement la carte du régionalisme dans ses interventions télévisées. Peine perdue, ses listes ont finalement été invalidées suite à la découverte d’irrégularités dans le financement de sa campagne.

A Sidi Bouzid, on murmure que son parti serait aux mains d’anciens partisans du RCD qui utilisent sa télévision pour blanchir l’image de Ben Ali. « Qu’on ne s’y trompe pas » avertit cependant un ancien proche de l’homme d’affaire. « Hechmi a longtemps été un islamiste convaincu. Il a fréquenté Rached Ghannouchi à Londres pendant des années et sa femme, une algérienne, est la fille d’un grand militant du FIS. » Critiqué pour son populisme, Hemdi excelle avant tout dans l’opportunisme politique. A trop vouloir jouer, il a cependant perdu la confiance de nombreux militants nahdaoui après avoir publié des documents confidentiels du parti dans sa thèse de doctorat.

Bastion salafiste

Si Ennahdha n’a pas raflé la mise à Sidi Bouzid, les mouvements salafistes en revanche, ont fait de la région l’un de leurs fiefs. Au grand marché hebdomadaire de la ville, la foule se masse autour des stands remplis de fournitures et d’ingrédients. On croise de nombreuses femmes en tchador, des hommes portant de longues barbes et des pantalons courts. Pour Olfa, jeune secrétaire de 23 ans originaire de Sfax fraîchement débarquée à Sidi Bouzid, le changement d’ambiance est de taille : « Dans ma ville, peu de gens sont habillés comme ça. C’est une conséquence des libertés acquises après la révolution. Aujourd’hui on peut manifester, on peut parler librement et on peut aussi afficher ses croyances » dit la jeune femme. Dans le quartier pauvre d’Ennour, trois personnes s’apprêtent à présenter leurs condoléances à une voisine. « Son fils est mort en Syrie » explique l’un d’eux. « On ne sait pas avec qui il était exactement, mais avant de partir, il était de plus en plus impliqué dans la religion ».

A quelques kilomètres de là, dans la commune de Sidi Ali Ben Oun, le leader des salafistes tunisiens, cheikh Khatib Idrissi a élu domicile. Il a fait actuellement construire une mosquée flambant neuve grâce à des « dons venus de l’étranger ». Base arrière de groupes radicaux armés, la ville a notamment été le théâtre d’une vaste opération militaire fin 2013 destinée à éradiquer des éléments jugés dangereux. Depuis Sidi Bouzid, des camionnettes chargées de vivres et de matériel divers arpentent régulièrement les routes caillouteuses pour alimenter Sidi Ali Ben Oun. « Les groupuscules radicaux vivent le plus souvent grâce à la contrebande qui gangrène la région. Ils payent des personnes chargées de transporter des marchandises. Parfois ce sont des climatiseurs, parfois ce sont des armes. Notamment en provenance de Libye » explique une source policière.

De nombreux adeptes de cheikh Khatib Idrissi sont par ailleurs installés à Sidi Bouzid où plusieurs mosquées ont été en 2012 et 2013  désormais sous contrôle salafiste. C’est le cas de la mosquée Errahma située en plein cœur de la ville, à quelques mètres du siège du gouvernorat. Retranchés derrière ses murs blancs, des individus armés ont ouvert le feu sur la police début 2013, faisant deux blessés graves.

A travers la fermeture forcée des bars à Sidi Bouzid, les salafistes ont par ailleurs remodelé la ville à leur insu. Chaque soir vers 19h, des dizaines de voitures ronronnent en file indienne sur un chemin de terre qui rejoint la route de Gafsa à la sortie sud de la ville. Tout au bout de la piste qui s’enfonce dans les rangées d’oliviers, deux jeunes hommes servent aux conducteurs des canettes de bières « Celtia » piochées au fond d’une glacière bleue grand format. « On se sert ici depuis que les points de vente ont fermé » explique un consommateur. « Il y a deux ans, avec l’arrivée de Nahda au pouvoir, c’était devenu très difficile de se procurer de l’alcool. Maintenant les choses commencent à s’améliorer ».

La cité indomptable

Ironie du sort, sur la même avenue que la grande mosquée salafiste, des escaliers en carrelage gris mènent au cabinet de Khaled Aouainia. Cet avocat est aussi le beau-frère de l’opposant Mohamed Brahmi dont l’assassinat en juillet 2013 attribué au groupe Ansar Al-Charia avait endeuillé tout le pays. Devant la porte d’entrée, une modeste plaque noire indique son nom et celui de ses associés. Lorsqu’il reçoit, l’homme et ému. D’un tiroir de son bureau, il sort une enveloppe jaunie. A l’intérieur, l’une des trois lettres de menaces qui lui ont été adressées en trois ans. « On m’y demande de quitter Sidi Bouzid sous peine de faire du mal à ma femme » explique Khaled d’une voix emportée, hanté par la figure de son défunt beau frère.

L’avocat se souvient du discours qu’il a prononcé devant le gouvernorat le lendemain des premiers soulèvements. « J’étais plein d’espoir. On pensait que tout allait changer. C’est une révolte qui a commencé avec des chômeurs, des étudiants, des syndicalistes… Et on nous l’a volée ». Lorsqu’il se remémore ses échanges avec Brahmi son visage s’assombrit. « Nous défendions aussi beaucoup d’islamistes réprimés sous Ben Ali » explique-t-il douloureusement.

Une montagne d’épais dossiers trône sur son bureau. Des dizaines de personnes sont encore en état de poursuites judiciaires pour avoir manifesté contre l’ancien régime mais aussi après sa chute. Plusieurs ont notamment été inculpées lors des manifestations qui ont suivi l’assassinat de Brahmi. Nassérien convaincu et ancien représentant du gouvernorat de Sidi Bouzid à l’assemblée constituante, cet enfant de la région incarnait à merveille assure Khaled, « l’âme indomptable de Sidi Bouzid ».