L’arrestation de Lakhdar Bouregaâ, un faux pas du pouvoir militaire algérien

30/06/2019 – La redaction de Mondafrique

Pour avoir estimé que la conférence nationale de l’opposition était jouée d’avance, Lakdhar Bouregaâ a été interpellé, samedi 29 juin, par les services algériens. Le lendemain dimanche, il a été placé, ce dimanche 30 juin, sous mandat de dépôt par la juge d’instruction du tribunal de Bir Mourad Rais, annonce les médias algériens. Il est poursuivi pour « humiliation d’une autorité » et avoir participé à « affaiblir le moral de l’armée nationale ».

Auteur d’un livre qui fit date en 1990, intitulé « témoin de l’assassinat de la Révolution », Lakhdar Bouregaä a été emmené par les services spéciaux algériens, le samedi 29 juin, vers une destination inconnue. Cette arrestation extra-judiciaire a été décidée après les déclarations de l’ancien chef militaire de la Wilaya 4 historique annonçant son refus de participer à la « Conférence Nationale » qui devrait s’ouvrir le 6 juillet à l’hôtel Mazafran à Zeralda. Cette réunion, selon lui, ne peut être qu’une mascarade. « Le pouvoir a déja le nom du futur Président, a-t-il déclaré en substance, et cherche un moyen pour le légitimer ».

Un parcours exemplaire

Ne en 1933 près de Champlain, le commandant Bouregaa a étudié dans les écoles coraniques de l’Atlas blidéen avant de faire son service militaire dans les Chasseurs alpins à Briancon, en 1954-56. Il rejoint l’ALN à Chebli dans la Mitidja, avant de rejoindre les maquis de la Zone 2 de la Wilaya 4, commandés par le cheikh et capitaine Tayeb Djoghlali.

Chef de section, puis commandant de la célèbre katiba(compagnie) Zoubiria, Buregaa commande des unités de la Zone 2 (près de 400 djoundis), encerclés, entre le 31 décembre 1958 et le 14 janvier 1959 , dans les maquis du sud de Média par une dizaine de milliers de paras commandés par le général Massu. Ces faits d’armes lui valent une rapide promotion qui en fait le chef des unités qui mettront en échec la célèbre opération Courroie(avril-juin 1959) par laquelle le général Challe croyait pouvoir anéantir l’ALN, qui réagit à ce rouleau compresseur en ordonnant le fractionnement des katibas, en groupes de 12, et demi-groupes de 6.

Seule la katiba Zoubiria restait groupée et tenait tête aux unités d’élite des réserves générales. Avec telle légitimité, Si Lakhdar à pu mettre en échec au cessez-le-feu conclu lors de la visite à l’Elysée du conseil de la Wilaya 4, le 10 juin 1960.  Cet échec à fait renoncer le général De Gaulle à la politique dite de « l’Algérie algérienne » et a conduit à l’indépendance des pays africains regroupés au sein de la « Communauté ».

L’opposition à Boumedienne

Après le cessez-le-feu, le commandant Si Lakhdar sera le plus farouche opposant à la prise de pouvoir par « l’armée des frontières », baptisée ANP (Armée Nationale Populaire), aux ordres du colonel Boumediene. Lequel obligea les wilayas de l’intérieur à s’y intégrer. Lors d’une réunion inter-wilayas de juin 1962, il fit adopter une motion recommandant au président du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), Benyoussef Benkhedda, la dissolution de l’État-major et la dégradation de son chef, le colonel Boumediene.

Ce que Benkhedda s’est empressé de faire dans une Note de service du 30 juin 1962. Mais « l’ANP » passe outre et choisit le coup de force qui lui permit l’entrée à Alger, début septembre 1962, au prix de plusieurs certaines de morts. Si Lakhdar s’oppose à l’autoritarisme du parti unique, notamment après la proclamation par Ben Bella d’une Constitution dans un cinéma!

Si Lakhdar rejoint le FFS, créé par Ait Ahmed, c’est pour protester contre les dérives autoritaires.

Arrêté et torturé en 1968

En 1968, le commandant est arrêté et torturé pour avoir évité l’arrestation au colonel Z’biri, chef d’État-major de l’ANP, qui avait vainement tenté de renverser Boumediene en décembre 1967. Il lui était reproché également d’avoir rencontré à Paris, un autre opposant de Boumediene, Krim Belkacem, qui avait gardé intact son prestige auprès des maquisards, en tant qu’ancien berger qui avait pris le maquis en 1947, avant de faire partie des « novembristes » et de devenir l’interlocuteur de Louis Joxe aux négociations qui conduisirent aux accords d’Evian.

Depuis cette le début des années 90, notre homme n’arrête pas de participer aux débats historique et politiques, avec une franchise, un humour et un bon sens de paysan qui font les délices des chaînes satellitaires à qui les Algériens doivent tant de révélations.

Un faux pas

En s’attaquant à un détenteur de la légitimité historique et révolutionnaire qui reste, malgré son âge, un des plus appréciés animateurs des débats publics en Algérie, le pouvoir militaire commet un grave faux pas.