Algérie, la valse des patrons de la police

17/02/2019 – Nicolas Beau

En retraite depuis 2016, Abdelkader Kara Bouhadba vient d’être nommé à la tète de la puissante Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), où il remplace le colonel Mustapha Lahbiri, nommé il y a huit mois seulement.

Alors que les prévisions vont bon train sur un embrasement général de l’Algérie, sur fond de manifestations, le patron de la police, Mustapha Lahbiri, vient d’être écarté voici quatre jours. Les flottements constatés sur le terrain sont-ils la conséquence de ces changements au sommet? On assiste à une désorganisation des forces de l’ordre, qui contrairement à leur habitude, semblent totalement passives face aux manifestants qui s’en prennent violemment au pouvoir.

L’intouchable général Hamel

Dans le climat délétère que connait l’Algérie, où les chefs sécuritaires se livrent la guerre, les raisons de la mise à l’écart du patron de la police restent en partie mystérieuses. Voici un an seulement, Mustapha Lahbiri, un ancien moudjahid de près de 80 ans et vieux compagnon de route du Président Bouteflika, avait été choisi pour remplacer le puissant général Abdelghani Hamel, pourtant protégé par le clan Palais de Zéralda. Mais sa tète avait été obtenue, en juillet 2018, par l’incontournable chef d’état major, Gaïd Salah, qui l’accusait de comploter contre lui.

L’annonce du départ du général Hamel avait provoqué une onde de choc à Alger, tant le général Hamel semblait intouchable. Ces dernières années, ce haut gradé avait obtenu des recrutements et des moyens considérable. Au point qu’il passait même pour un des successeurs possibles du président Bouteflika

Pourquoi écarter, huit mois plus tard, son successeur, le colonel Lahbiri, un ancien patron des pompiers vieilli sous le harnais et qui ne semblait devoir faire de l’ombre à personne?

L’ombre de Gaid Salah

Pourtant le vieux colonel n’est pas resté inactif. Dès son arrivée durant l’été 2018, Mustapha Lahbiri a multiplié les nominations, notamment parmi les chefs de sûreté dans le wilayas (préfectures). Fin décembre 2018, le nouveau remaniement qu’il envisageait au sein des fonctions d’encadrement policier est bloqué par le ministre de l’Intérieur, resté proche de la Présidence.

Ultime initiative qui n’a pas plus en haut lieu, le colonel Mustapha Lahbiri a décidé, ces derniers jours, de chasser les enfants du général Hamel de la somptueuse villa de fonctions que ces derniers occupaient encore à Alger. De là à le soupçonner de rouler pour le chef d’état major, Gaïd Salah, il n’y a qu’un pas que certains pourraient bien avoir franchi.

Si un accord constant règne au sommet de l’Etat entre le général Gaïd Salah et un Président Bouteflika diminué, leurs entourages respectifs se livrent à des luttes féroces d’influence au sein des forces sécuritaires dans une sorte de feuilleton quasi quotidien. Chaque camp place ses pions et prépare les affrontements futurs, lorsque le chef d’état à bout de forces aura enfin renoncé au pouvoir.

L’appel au professionnalisme

Le changement à la tète de la police pourrait répondre à de banales raisons d’efficacité. Le nouveau patron de la DGSN, Abdelkader Kara Bouhadba, qui avait pris sa retraite en 2016, passe pour un grand professionnel, sans préférences partisanes, y compris chez certains opposants au régime du clan Bouteflika.

Compte tenu de la fébrilité qui règne en Algérie, beaucoup sont prèts à saluer l’arrivée d »un vrai spécialiste de l’ordre public qui ne devrait pas chômer dans les semaines qui viennent.