Centrafrique, l’enfer et la félicité se côtoient

22/11/2018 – La redaction de Mondafrique

Après le massacre de la sous préfecture de Alindao (40 morts, dont deux religieux) et les palabres pour une paix improbable, la Centrafrique connait toujours une crise profonde. 
Depuis le début de novembre 2018, le centre-est de la Centrafrique se trouve, de nouveau, à feu et à sang. Les services de l’Etat centrafricain y sont quasiment absents et la Force onusienne- la MINUSCA- y est intermittente. En représailles, le 15 novembre, les rebelles ont assassiné, dans la sous-préfecture d’Alindao, une quarantaine d’habitants dont deux religieux catholiques. La politique de l’autruche des uns et des autres peut-elle encore continuer sans grands risques désormais pour eux-mêmes ?
Les tueries succèdent aux assassinats
Si le FMI se félicite d’un taux de croissance du PIB de près de 5%, si le ministre Le Drian peut sabler le champagne avec le président Touadera lors de sa visite officielle des 1er et 2 novembre 2018, si les « patriotes » centrafricains, qui ressemblent de plus en plus à ceux qu’a connu la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé, encensent sans retenue la « vision » d’un président falot et si le business de guerre à Bangui permet à quelques uns de faire rapidement fortune, les quatre millions et demi de Centrafricains, abandonnés aux ONG et aux humanitaires continuent leur chemin de croix. Les tueries, comme celles de Bambari, Batangafo, dernièrement  d’Alindao, n’émeuvent plus la communauté internationale. Les meurtres de Casques bleus, d »Humanitaires et de prêtres suscitent encore quelques communiqués de circonstances, mais ils deviennent routiniers et inaudibles. En Centrafrique, on meurt en silence pendant que d’autres s’enrichissent outrageusement en maintenant un statu quo devenu un veritable fonds de commerce. Jusqu’où peut-on aller dans cette ignominie ?
Les appels au secours deviennent des appels de fonds
Faut-il rappeler qu’un quart des Centrafricains sont sans domicile fixe. Selon la FAO, près de la moitié des  Centrafricains sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Face à ce désastre, 12 000 Casques bleus, coûtant près de 1 milliard de Us dollars par an, jouent, après les incendies, les pompiers de service. Une Cour Pénale Spéciale ( CPS) essentiellement budgétivore, créée en juin 2015, multiplie les effets de manche et laisse les tribunaux centrafricains pallier son inaction. En extradant, manu militari, un chef anti balaka et néanmoins « honorable » député, la Cour Pénale Internationale ( CPI) de La Haye est heureusement intervenue pour, enfin, enrayer l’impunité complaisante dans ce pays martyr. La CPI, qui avait à se faire pardonner de l’affaire Bemba pour des crimes aussi odieux envers le peuple centrafricain, a démontré les limites de cette juridiction improbable qu’est la CPS qui contribue à l’alimentation de ce tonneau des Danaïdes qu’est devenu cet espace géographique sans État où règne la loi du plus fort.
La désunion nationale
Le discours d’investiture du président Touadera, du 30 mars 2016, est bien loin. Une fois de plus, les Centrafricains ont pu vérifier que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Les pratiques de la mauvaise gouvernance du régime Bozize et de son premier ministre durant cinq ans, Faustin-Archange Touadera, sont revenues au galop. Le repli sur un clan largement ethnique et familial, l’utilisation des moyens publics pour des intérêts patrimoniaux, les manipulations sans vergogne et la désignation de boucs émissaires, la corruption érigée en système de conservation du pouvoir et les mêmes extrémistes, fossoyeurs du précédent régime dictatorial, sont revenus. Comme jamais, les populations Bantou et nilotiques se font face, de plus en plus ouvertement. La césure entre l’ouest plutôt animiste et chrétien et l’est plutôt arabo-soudanais et musulman s’élargit en l’absence d’une politique de réconciliation nationale. Les limites de la partition du pays sont, chaque jour, de plus en plus visibles.
Comme le disait Henri Queuille, homme politique français  de la IVème république,  « en politique il ne s’agit pas de résoudre les problèmes, il faut faire taire ceux qui les posent ». Le président Touadera fait taire, les uns après les autres, ses anciens alliés. Jean-Serge Bokassa et Abdoul Karim Meckassoua peuvent en témoigner. Avec ses récentes déclarations, l’ancien Premier ministre, Martin Ziguele, pourrait bien lui aussi vérifier la maxime d’Henri Queuille.
La CPI doit multiplier les extraditions vers La Haye
De nombreux Centrafricains attendent que la CPI, avec le concours de la Minusca, intensifie les extraditions des criminels qui font l’objet de mandats d’arrêt internationaux. Les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ne doivent pas être distingués. Les leaders de l’UPC ( on ose même pas donner le nom de cette bande armée tellement elle constitue une imposture) du massacre d’Alindao, qui a fait des dizaines de victimes, sont connus et localisés. Le secrétaire général et porte-parole de l’UPC est  actuellement conseiller spécial du président Touadera. Va-t-Il devoir s’expliquer sur Alindao et continuer de siéger à côté du président Touadera ?
A la veille de la reconduction du mandat de la Minusca, le 15 décembre, on peut se demander si le statu quo dans ce pays est encore tolérable.