Législatives Mauritanie (4/6), une modernisation en trompe l’oeil

27/08/2018 – La redaction de Mondafrique

Dans le quatrième volet d’une enquête sur l’état de la Mauritanie à un mois des élections législatives du 1er septembre prochain, Moussa Fall, président du Mouvement pour un changement démocratique, s’intéresse aux grands projets du président Mohamed Ould Abdel Aziz, autant de mirages qui pour la plupart ont été gérés de façon calamiteuse

Nous passerons en revue les principales « réalisations » de la décennie 2008-2018. Cette analyse portera sur les critères d’évaluation que sont : l’adéquation des projets avec les cadres stratégiques, leur priorité, leur pertinence et efficacité, leur rentabilité économique, sociale et environnementale, le mode d’attribution des marchés, la qualité des travaux.Rappelons que le budget d’investissement a absorbé, durant cette période, un montant global de 1492 milliards de MRO.

Dans le domaine des bâtiments et travaux public

  • Le réseau routier

Le réseau routier national, qui devait constituer la priorité du programme d’investissement, est dans un état désastreux, injustifiable au regard des ressources considérables que le pays y a englouti durant ces dernières années. Les principaux axes, les axes d’intégration et d’utilité économique avérée sont quasiment ou totalement impraticables :

  • L’axe Nouakchott – Nouadhibou qui relie nos capitales politique et économique et qui connecte notre réseau routier à celui du Maghreb est gravement endommagé par endroits. Son étroitesse constitue en outre un véritable goulot d’étranglement au regard de l’intensité du trafic actuel et le constituera, plus encore, pour celui à venir.
  • La route de l’espoir, facteur d’intégration de nos régions et qui le relie le pays au Mali, et au-delà, à d’autres pays sub sahariens est devenue impraticable est si dégradée qu’elle ne permet plus le croisement de deux véhicules. Il ne se passe pas un jour sans que se produisent des accidents mortels sur cet axe.
  • La route de Rosso est l’exemple type de la mauvaise gouvernance. La route de Rosso avait bénéficié d’un financement de l’Union Européenne qui couvrait l’ensemble du projet sur les 205 kms. La date d’achèvement des travaux était prévue pour 2012. Ce financement a été suspendu suite au coup d’état de 2008. Après la levée de la suspension des financements par les bailleurs de fonds, le montant initial ne couvrait plus la totalité des travaux.

L’état mauritanien a dû prendre en charge, sur ses propres ressources, les travaux du tronçon Bombri-Rosso (49 kms).

Pour le tronçon, Nouakchott – Bombri, un premier appel d’offres a été déclaré infructueux car les offres techniquement conformes excédaient le budget disponible. Une nouvelle augmentation du financement du projet s’imposait. En juin 2013, un nouveau montage financier, associant l’État mauritanien à hauteur de 20% et l’Union Européenne pour 80% pour un montant global de 51 millions d’euros, a permis de conclure un marché avec une société portugaise. En novembre 2016, le marché a été résilié pour des raisons graves de non-respect des clauses contractuelles. L’État mauritanien a alors engagé les travaux sur 25 kms, au départ de Nouakchott, avec un marché de gré à gré à attribution immédiate, un autre marché, en procédure négociée a été signé avec SOGEA-SATOM le 03 novembre 2017 pour la construction du tronçon allant du km 25 de Nouakchott à Bombri, pour une durée de 27 mois, pour un montant de 44.5 millions d’euros, financé à 100% par l’UE.

On ne sait toujours pas quand seront achevés les travaux sur cet ouvrage qui aurait dû être réceptionné en 2012. Entre temps, la route est totalement hors service sur plus de 100 kms pénalisant l’économie du pays et portant de graves préjudices aux voyageurs et aux véhicules avec de nombreux accidents. Or la route de Rosso est appelée à jouer un rôle intégrateur primordial pour le pays. Elle est le prolongement de celle qui nous relie au Maghreb et elle a vocation, avec la construction du pont de Rosso, toujours en stand-by, pour on ne sait quelle raison, d’ouvrir notre marché et de mettre en valeur l’avantage comparatif de notre pays en tant que point de passage obligé entre le nord et le sud de notre continent.

2- L’aéroport de Nouakchott

La construction de cet aéroport correspond à un besoin. Le maitre d’œuvre qui n’avait aucune référence et aucune expérience dans le domaine a réalisé, malgré tous les scepticismes, les travaux avec, certes, des retards et des surcoûts, mais en respectant les normes internationales.

Cela dit, le mode d’attribution du marché de l’aéroport est contraire aux procédures légales et son mode de financement est, pour le moins, inédit : un troc mettant en œuvre un patrimoine public sans évaluation et sans respect des procédures publiques.

Le surdimensionnement de ce projet conçu pour deux millions de passagers par an soit 10 fois le volume du trafic a pesé très lourd sur le coût des travaux et il pèsera lourd sur les charges d’exploitation de la société de gestion de l’aéroport et, donc, sur le budget de l’État. La conception de cet important ouvrage aurait été plus rationnelle si elle avait opté pour une structure adaptable au développement du trafic.

Par ailleurs les faiblesses structurelles du mode financement retenu ont provoqué des dégâts collatéraux dont.

  • Le préjudice subi par la SNIM qui a engagé 15 milliards d’ouguiyas dans ce projet sans espoir de remboursement.
  • L’implication des banques qui ont vu leur portefeuille alourdi par des créances douteuses sans savoir comment les récupérer pour préserver leur équilibre et celui du système financier dans son ensemble.
  • La forte baisse du foncier à Nouakchott consécutive au monopole, sur de vastes espaces, accordé à un seul promoteur et aux spéculations qui en ont résulté, au préjudice de nombreux propriétaires immobiliers.
  • Les dommages causés à l’environnement suite à la destruction des espaces verts qui agrémentaient le cadre de vie des habitants de Nouakchott.
  • Tous ces dégâts collatéraux sont autant de crises latentes qui finiront par révéler au grand jour toutes leurs conséquences.
  • Pouvait-on bénéficier des avantages de cet aéroport sans s’exposer à ses inconvénients ? C’est la solution qu’une gouvernance avertie aurait sans doute recherchée.

  • 3- Les dessertes Est et Ouest de Bennichab
  • Le projet de construction de dessertes reliant la route Nouakchott-Akjoujt et la route Nouakchott-Nouadhibou, à Bennichab est un projet sans aucune justification économique, réalisé par pure convenance personnelle, pour un coût de 25,4 millions de dollars US
  • 4- Le nouveau Palais des Congrès
  • Comme pour le sommet de la ligue arabe en juin 2016, le gouvernement a décidé, dans la précipitation et l’improvisation, d’héberger en juillet 2018 celui de l’Union Africaine. Il a été décidé dans ce cadre de construire en moins de 10 mois un nouveau Palais des Congrès.
  • Le site choisi pour ce nouvel édifice se situe en plein désert à 25 kms du centre-ville. Le coût affiché des travaux s’élève à 14 milliards de MRO. L’entreprise a obtenu le marché, assorti d’allègements fiscaux, en dehors de toute concurrence.
  • La tenue d’un sommet africain à Nouakchott n’est pas critiquable en soi. Mais il est de tradition, dans toutes les organisations internationales, que l’on n’accueille un Sommet que dans l’un des cas suivants : quand il s’agit d’un sommet à l’issue duquel le pays prend la présidence tournante, ou quand il s’agit d’un Sommet extraordinaire convoqué par un pays qui a un dossier particulièrement important et urgent à lui soumettre. Comme il ne s’agit, en l’occurrence, ni de l’un ni de l’autre cas, il est légitime de se demander quel impératif nous a poussé à faire une entorse aux usages internationaux pour organiser ce sommet dans des conditions aussi contraignantes.
  • Au-delà de ces considérations ce qui étonne aussi ce sont : le choix de la date, pourquoi tant de précipitation, pourquoi ne pas avoir pris le temps de préparer minutieusement cet important évènement ? Qu’est ce qui justifie la priorité accordée à cette coûteuse décision pour un pays aux ressources limitées et faisant face à une sècheresse exceptionnelle ? pourquoi avoir implanté ce palais si loin de la ville le condamnant vraisemblablement à l’abandon sitôt la cérémonie de clôture du sommet achevée ?

Dans le domaine industriel

5- L’énergie électrique

Dans ce secteur, le régime a réalisé des investissements irrationnels durant cette période. Ce secteur a, en effet absorbé, des montants exorbitants. Le drame est que tous ces investissements sont réalisés sans un schéma directeur assurant leur cohérence et l’optimisation de leur apport.

Le tableau suivant renseigne sur l’état actuel et les prévisions de la demande en puissance électrique à Nouakchott et à Nouadhibou.

Prévisions sur la demande totale d’électricité en MW (selon les prévisions de la SOMELEC)

RéellePrévisions
2012201320142015201620172018201920202021202220232024
Nouakchott8386,996,5127,1196,1205,8216,27228240249,3259,23270281
Nouadhibou1215,217,3219,120,4421,8723,425,026,828,3830,0631,833,7

En additionnant les puissances déjà installées avec celles qui sont en cours de réalisation on constate d’importants excédents injustifiés aussi bien à Nouakchott qu’à Nouadhibou.

A Nouakchott, selon les prévisions de la SOMELEC, la demande évoluera de 216 MW en 2018 à 281 MW en 2024. La puissance installée, ou en cours d’installation, atteint près de 400MW. Cette offre se compose de : (1) centrales thermiques de Arafat et du Wharf 61 MW ; (2) centrale duale 180 MW ; (3) énergie hydroélectrique (Manantali, Felou et Gouina) 65 MW ; (4) énergie solaire 45 MW ; (5) énergie éolienne 30 MW. L’excèdent qui se dégage dépasse les 160 MW.

A Nouadhibou, le besoin en énergie électrique est, aujourd’hui, satisfait par une puissance de 23,4 MW. Jusqu’en 2024 la demande n’atteindra pas 35 MW ; la demande actuelle est largement couverte par la puissance installée. Une augmentation de 15 à 20 MW au maximum serait suffisante pour accompagner l’évolution des besoins. Est-il donc nécessaire pour cela de construire une centrale éolienne de 100 MW, pour un montant de 110 millions de dollars, qui entrera en service en 2020 ? L’excédent de l’offre à Nouadhibou dépassera alors les 90 MW.

Entre Nouakchott et Nouadhibou la surcapacité construite sera de plus de 250MW soit l’équivalent de 260 millions de dollars ; un gaspillage de ressources inacceptable et aux conséquences dommageables pour l’opérateur, les consommateurs et les contribuables.

Outre les centrales électriques, les investissements ont inclue deux lignes haute tension entre Nouakchott et Nouadhibou d’une part, et entre Nouakchott et Zoueirat d’autre part. Ces deux lignes interrogent eux aussi sur leur pertinence.

Comment peut-on justifier la ligne Nouakchott-Nouadhibou ? Le transport de l’électricité entre Nouakchott et Nouadhibou ne présente aucun intérêt car chacune des deux villes est autosuffisante et même excédentaire. La mine de Tasiast a des besoins limités et la logique des unités industrielles est d’assurer leur indépendance totale en fourniture électrique pour se mettre à l’abri des ruptures de courant intempestives. En l’état actuel des choses engager un montant de 110 millions de dollars pour une ligne sans objet est un gaspillage condamnable.

La ligne Nouakchott-Zoueirat dont le coût est évalué à 243,6 millions de dollars, est destinée à alimenter MCM (Société d’exploitation de la mine de cuivre d’Akjoujt) et la SNIM à Zouerate. Or MCM a des besoins en énergie très limités et est appelée à cesser ses activités dans un avenir proche. La SNIM possède une centrale au fuel encore neuve, une expérience en gestion des centrales bien plus riche que celle de la Somelec et elle est autosuffisante. Et il n’est pas dans son intérêt de s’exposer aux ruptures d’électricité et de subir les coûts exorbitants du transport de l’énergie de Nouakchott à Zoueirat.

On aurait mieux fait d’éviter d’alourdir l’endettement du pays du coût des surcapacités installées et des deux lignes haute tension ; soit environ 613 millions de dollars, un montant considérable qui aurait pu être orienté vers d’autres projets plus utiles et plus rentables.

L’élaboration d’un schéma directeur pour l’électrification de Nouakchott et de Nouadhibou, aurait permis de dimensionner et d’adapter les projets aux besoins en évitant cette anarchie et cet énorme gaspillage. Un tel schéma aurait permis par exemple, d’éviter la construction de la centrale duale à Nouakchott en même temps que la centrale éolienne à Nouadhibou. Il aurait certainement privilégié l’énergie éolienne à l’énergie thermique. Il aurait également déconseillé de construire une centrale éolienne à Nouakchott parce qu’elle produit, à coût d’investissement égal, 40% d’électricité de moins que celle installée à Boulenoir. Il aurait sans doute exclu les projets de lignes entre Nouakchott et Nouadhibou d’une part, et Nouakchott Zouerate d’autre part.

6-Les Mines :

En 2002 la Mauritanie a mis en place un code minier, base juridique pour réglementer les actions aussi bien de recherche que d’exploitations minières. L’état a entrepris avec le Programme de Renforcement Institutionnel du Secteur Minier (PRISM) un travail de cartographie géologique remarquable. Les conditions d’octroi de permis de recherches étaient respectées, ce qui a permis d’attirer de nombreux professionnels qui ont entrepris des campagnes de recherches géologiques ayant permis d’enrichir les connaissances du potentiel minier du pays.

Depuis quelques années le système a été dévoyé :

  • Les intermédiaires bien introduits, à la recherche de commissions auprès de sociétés étrangères, obtiennent les permis de recherches sans jamais, sauf rares exceptions, exécuter de travaux de terrains comme stipulé par les conditions d’octroi. L’octroi de ces permis à des bénéficiaires n’ayant ni l’expertise requise ni les moyens de faire les recherches, hypothèque pour plusieurs années une grande partie des zones d’exploration qui se trouvent ainsi soustraites du potentiel de développement du pays.

  • Le passage obligé par des intermédiaires cupides est rédhibitoire pour les compagnies étrangères qui veulent acquérir, dans la transparence et sans frais indus, des permis de recherche en Mauritanie.

7- La SNIM :

Depuis l’avènement du régime actuel la SNIM a vu son autonomie de gestion confisquée. Les décisions majeures sont inspirées par des considérations politiques n’ayant rien à voir avec la mission de l’entreprise. Cette situation a occasionné de graves préjudices pour la société.

  • Dans sa stratégie de développement à l’horizon 2025, décidée en 2011 la SNIM s’est fixée comme objectif de production 40 Millions de tonnes à atteindre en 2025. Un tel objectif ne peut être fixé que par quelqu’un d’extérieur qui n’a aucune idée de l’état des réserves réelles exploitables. Les dirigeants de la SNIM, et surtout ses géologues, qui connaissent la réalité des choses savent que la SNIM a perdu la maitrise sur les réserves du pays. Les réserves en minerai de fer qui faisaient partie du patrimoine de l’entreprise ont été aliénés car :

-Les Guelbs El Aouj sont en copropriétés avec Xstrata devenu Glencore

-Les Guelb Atomai sont en copropriété avec SabicSaudi.

En dehors de ces deux zones et du Guelb Rhein, en l’État actuel des connaissances, les réserves minières sont faibles et pas de bonne qualité. Et il est donc impossible de réaliser les objectifs de production tels qu’arrêtés.

Cet objectif programmé de 40 millions de tonnes à l’horizon 2025, bien qu’étant irréalisable, figure maintenant en bonne place, dans la Stratégie Nationale de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2016-2030.

8-L’Usine Guelb 2 :

La construction de l’usine Guelb 2 a été financée à hauteur d’un milliard de dollars. Cette usine qui devait bénéficier de l’expérience acquise par la SNIM qui a passé 15 ans pour surmonter les difficultés de l’exploitation de l’usine Guelb 1 est paradoxalement tombée dans les mêmes écueils. Guelb2 conçue pour une production annuelle de 4 millions de tonnes, n’arrive pas à atteindre le million de tonnes trois ans après son inauguration. Cela occasionne des pertes énormes qui doivent être comblées par la production des autres sites. La gravité de cette déconvenue interpelle les décideurs : Pourquoi et comment en est-on arrivé à ce fiasco alors que l’on avait tant dépensé pour surmonter les dysfonctionnements de la première usine des Guelbs ? Quelles sont les mesures envisagées pour atteindre au plus tôt la capacité de production prévue de 4 millions de tonnes par an ? Quels seront les coûts et le timing de ces mesures ?

9-Investissements extra-exploitation :

Toujours sur instructions des autorités politiques, la SNIM a dilapidé des montants exorbitants dans des investissements hasardeux, qui n’ont rien à voir avec son activité. Citons, entre autres, le « prêt » pour les travaux de l’Aéroport de Nouakchott, la participation à l’achat des avions pour Mauritanie Airlines, un immeuble de 14 étages injustifiable et un hôtel 5 étoiles à Nouakchott, un hôpital à Nouadhibou, un hôpital à Nouakchott destiné au traitement des hépatites, seule structure médicale dans le monde réservée exclusivement à cette pathologie selon les spécialistes, une usine de pylônes à Aleg, une Fondation SNIM qui devait recevoir uniquement des produits hors exploitation et qui a été largement subventionnée par l’exploitation directe de la SNIM pour financer des opérations occultes?

Outre leur impact désastreux sur l’exploitation de l’entreprise, ces dépenses irrationnelles, associées à des recrutements et à des promotions de complaisance en violation des règles établies, ont détruit le capital le plus précieux de la SNIM : sa culture d’entreprise. Une culture de l’excellence, de l’acharnement au travail et de la discipline.   La destruction de cette culture est un désastre qui a affecté le moral et la motivation des employés, affaibli leur productivité et propagé dans leurs rangs malaises et contestations. Rien ne sera dorénavant plus difficile que de restaurer une culture de l’entreprise plus saine pour cette société qui a longtemps été un modèle et une fierté pour le pays.

  • 10- Les avions « made in Mauritania » 
  • Le scandale des avions « made in Mauritania » est sans doute une des escroqueries les plus grossières de l’histoire récente de la Mauritanie. Ses auteurs ont réussi à soutirer des millions de dollars à l’un des pays les plus pauvres au monde en lui faisant miroiter la construction d’une ‘industrie aéronautique’ en Mauritanie, fabricant des avions destinés à l’exportation.   Les finances publiques mauritaniennes devaient contribuer à ce projet à hauteur de 23,6 millions de dollars. « L’avion cité dans l’article sera construit par des techniciens mauritaniens qui seront formés et utilisés pour la formation de nouveaux pilotes mauritaniens dans une nouvelle Académie internationale de formation de pilotes actuellement conçue pour être intégrée au nouvel aéroport international en cours de construction. » affirme le promoteur Tom Gibson en juin 2014 dans un droit de réponse à des articles parus dans la presse mauritanienne (http://cridem.org/C_Info.php?article=657690).  Cette usine, bien évidemment n’a jamais vu le jour en dépit des avances extorquées à l’État sans qu’aucun effort n’ait été déployé pour les récupérer.

  • Dans le domaine hydro agricole

11- Les aménagements hydro-agricoles

  • L’État s’est engagé à allouer 11 milliards d’ouguiyas pour la période 2010-2013 destinés à l’aménagement de 4.260 ha et la réhabilitation de 2.067 ha. L’État s’est engagé également à financer dans le cadre de ce programme les études pour l’aménagement de 7.000 autres ha dans le cadre du Programme de Développement Rural Intégré (PDRI : 2013-2018). La réalisation des études de ce vaste programme d’investissement et le contrôle des travaux ont été confiés à la Direction de l’Aménagement Rural (DAR) et non à la SONADER qui dispose normalement de plus d’expérience et d’expertise dans ce domaine.
  • Ce programme a connu beaucoup de retards dans son exécution en raison, notamment, de la qualité très insuffisante des études sur la base desquelles les marchés de travaux ont été conclus. Par ailleurs, les coûts des projets réalisés sont particulièrement élevés et la qualité des travaux exécutés est douteuse, eu égard aux capacités limitées de la DAR en matière de contrôle des travaux. Par ailleurs, la plupart des marchés de travaux ont été confiés à la Société Nationale des Aménagements et Travaux (société d’état créée en 2007) dans le cadre de conventions avec la DAR. La SNAT, qui ne dispose pas d’expérience suffisante en matière d’aménagement, a sous-traité l’essentiel des travaux à la Société des Travaux Agricoles du Maroc (STAM) connue pour être bien introduite dans les hautes sphères du pouvoir.
  • Plusieurs projets initialement prévus ont été retirés du programme, en raison de l’insuffisance des études pour être inclus dans le programme PGIRE 2 financé par la Banque Mondiale.
  • Encore une fois, la dimension politique très prononcée de ce programme, a contribué à en limiter l’efficacité et l’efficience, et risque de remettre en cause sa durabilité alors qu’il aura coûté plus de 11 milliards d’Ouguiyas.

12- Projet de canal de l’Aftout Es Saheli

Les travaux du Canal d’Aftout Saheli ont été engagés en 2013 dans l’improvisation et sans études préalables. D’une longueur totale de 55 kilomètres, il est financé sur fonds propres de l’État mauritanien pour un coût global de 13 milliards d’ouguiyas (environ 36 millions de dollars US).

Le Canal d’Aftout Saheli, devrait permettre, à l’origine l’irrigation de 17.000 hectares de terres agricoles. Réalisé par le groupement SNAT/STAM et le Génie Militaire, 15 kilomètres de ce canal ont été calibrés et approfondis, tandis que les 40 autres ont été creusés. Le projet comporte également la construction de 6 ponts destinés à faciliter la circulation dans la zone et la mise en place d’une installation de drainage.

Ce projet suscite les questions suivantes :

  • Un tel investissement est-il rentable ?
  • Selon quelles procédures ont été attribués les marchés et sur quelles bases ont été évalués les coûts de projet ?
  • Ce projet se situant dans une zone deltaïque sensible, pourquoi les études d’impact environnemental nécessaires n’ont-elles pas été réalisées ?

13- Projet sucrier de FoumGleita

Le Projet sucrier de FoumGleita a été annoncé en 2010 à l’issue d’un voyage présidentiel au Soudan, qui s’est concrétisé par un Protocole Cadre de Coopération entre la Mauritanie et le Soudan, au titre duquel il a été décidé de confier à KETS qui est le bras technique de la société KENANA (Société privée spécialisée dans la réalisation et la gestion de complexes sucriers, basée au Soudan) le soin de réaliser l’étude de faisabilité complète du projet.

Le projet proposé par l’étude de KETS comporte : (i) l’aménagement d’un périmètre sucrier irrigué gravitairement à partir du barrage de FoumGleita d’une superficie de 11 352 ha dont 9 460 ha réservés à la production de la canne à sucre ; (ii) la construction d’une  usine de sucre d’une capacité de production de 106 000 tonnes de sucre blanc qui sera équipée d’une distillerie pour la transformation des sous-produits (éthanol, et bagasse) ; iii) la construction  de deux cités dotées de services de base, l’une pour les employés du complexe et l’autre pour rassembler les différents petits villages et hameaux éparpillés à travers la zone d’exploitation du complexe. Le coût total du projet avait été estimé à 364 millions dollars soit environ 105 Milliards d’Ouguiya.

Selon le planning d’exécution de l’étude KETS, le projet devait être construit au cours de la période 2012-2014, et commencer la production de sucre en 2014 pour atteindre son régime de croisière en 2016,

Un contentieux, relatif au paiement des honoraires, a provoqué à la suspension de la coopération de la Mauritanie avec la KETS. Les autorités ont alors créé une nouvelle société d’économie mixte dénommée : « Société Sucre de Mauritanie (SSM-sem) ». Le montage financier retenu par l’État pour mobiliser le capital de cette société a mis à contribution des entreprises parmi lesquelles : la SNIM, la CNAM, le PANPA, des banques nationales. Les nouvelles études d’Avant-Projet Détaillé (APD) engagées par la SSM-sem ont révélé des contraintes insurmontables remettant en cause la validité des conclusions de KETS. parmi lesquelles : (i) l’insuffisance des eaux du barrage qui ne peuvent  irriguer, en plus des 3.600 ha, qu’un maximum de 4.000 ha (ii) l’étroitesse des superficies pédologiquement aptes à la canne sucre dans la zone attribuée au Projet, qui ne dépassant pas 4.000 ha environ ; et sur les zones à aménager seule une superficie de 1.000 ha environ pourra être irriguée gravitairement à partir du barrage, la superficie restante nécessitant le recours au pompage qui engendrera des coûts additionnels et des frais d’exhaure. Ces nouvelles données ont remis en cause la faisabilité du projet. Les autorités envisagent, à présent, de déplacer ce projet, avec l’aide de la coopération chinoise, dans la zone du walo du Gorgol pour creuser un canal d’irrigation à partir du fleuve Sénégal.

Ce fiasco illustre, une fois de plus, les méfaits de la politisation à outrance des décisions d’investissements prises sans consulter les experts et services techniques compétents dont les avis sont indispensables pour s’assurer de la faisabilité et de la pertinence des projets. On estime que dans le cas du présent projet, des dépenses d’environ 5 milliards d’ouguiyas ont été engagées, en pure perte dans des pépinières, des études, des formations de techniciens, et des frais de fonctionnement de la Société chargée du Projet qui, avant le démarrage de ses activités, compte plus de trois cents employés. Aucune intention ne s’est encore manifestée pour arrêter ces dégâts.

14- Le complexe laitier de Néma

Le complexe laitier de Nema est composé d’une unité centrale de transformation et de trois (3) centres de collecte à travers la région. Il est d’une capacité de production journalière de : 30.000 litres de lait frais ; 9000 litres de lait pasteurisée et 2000 litres yaourt .

On ne pouvait raisonnablement lancer un tel projet sans étude préalable. Malheureusement, comme à son habitude, le régime a choisi l’effet d’annonce au détriment de la viabilité du projet. Réalisée à un coût de 17.8 millions de dollars, l’usine qui fut inaugurée en 2015, fût très vite confrontée à des problèmes majeurs, en particulier, l’impossibilité de collecter les quantités de lait frais nécessaires à son fonctionnement.

En effet, les volumes quotidiens de lait nécessaires au fonctionnement de l’usine étaient impossibles à trouver, et ce malgré l’implication des autorités administratives dans les opérations de collecte. On s’est alors rabattu sur la production de lait longue conservation (UHT) à partir du lait en poudre importé de l’extérieur et acheminé à Nema pour être retraité et ramené à Nouakchott pour y être vendu. Pour faire face à cette déconvenue, quelle solution envisager ? Le choix s’est porté, maintenant, l’importation de vaches laitières pour un élevage intensif à Nema afin d’approvisionner l’usine en lait. A cet effet, il est prévu une ferme d’amélioration génétique avec des espèces importées d’Europe ainsi que des cultures fourragères sur des dizaines d’hectares, non loin de la ville de Néma. Les inséminations, destinées à « l’amélioration génétique » des espèces mauritaniennes, devraient se faire sur une année, dans une première phase, à raison de 300 vaches productrices tous les trois mois.

Pour assurer l’aliment de bétail, il a été par ailleurs décidé de construire à Néma une usine de décorticage du riz paddy en provenance de la vallée du fleuve.

L’entêtement à persister dans l’erreur se manifeste ici comme ailleurs.

Dans le domaine de la pêche

15- Poly Hong Dong

La société Poly Hondong Pelagic Fisheries a bénéficié d’une convention d’établissement en 2010. Le projet fut présenté comme un complexe de transformation des petits pélagiques destinés à créer 2300 emplois.

En lisant la convention on se rend compte déjà qu’il s’agit d’une opération qui interroge sur les points suivants :

1- La durée de la convention. La convention a une durée de 25 ans ; une première dans les annales de la pêche

2- L’octroi de licences pour les céphalopodes. La société a bénéficié de licences de pêche pour les céphalopodes avec des engins destructeurs (chalut en bœuf), et ce au moment où tous les organismes scientifiques chargés de la gestion et du suivi de la ressource halieutique (IMROP, FAO) appelaient à une diminution drastique de la pression sur la ressource céphalopodière étant donné le niveau de surexploitation inquiétant qu’elle avait atteint

3- L’exonération. La société bénéficie d’exonérations fiscales et douanières injustifiées d’une ampleur sans précédent

4- L’exemption du passage par le SMCP. La société n’est pas soumise au monopole de la SMCP pour la commercialisation, ce qui lui permet de pratiquer des prix qui perturbent le marché.

Les 2300 emplois promis n’ont évidemment pas été créés, les effectifs actuels ne dépasseraient guère 1200 employés.

16-Usines de farine de poisson 

Entre 2011 et 2015 le Gouvernement a autorisé environ 40 usines de farine de poisson qui n’ont bénéficié qu’à des proches. En fait d’usines il s’agit d’épaves destinées au démantèlement ailleurs en raison de leur vétusté et de leur danger pour l’environnement. Cette opération a été conçue, pour permettre aux proches du régime de profiter du secteur de la pêche et bénéficier d’emplacements dans un domaine public maritime très convoité.

Dans le document de la stratégie adopté par le Gouvernement pour la période 2015-2019 ce dernier reconnaît lui-même le désastre occasionné par ces usines. On peut ainsi lire à la page 9 : « Le développement incontrôlé de ces usines minotières pose également des problèmes d’ordre environnementaux et des conflits d’occupation du domaine public maritime ».

17- Politique des quotas :

La politique des quotas est supposée préserver la ressource par la détermination des quantités prélevables annuellement après déduction des autorisations déjà accordées, en partant de données scientifiques. Il s’est avéré malheureusement que les critères et les normes suivis pour ce système n’ont pas été respectés. Et ce pour les raisons suivantes :

  • La détermination de ce potentiel, notamment pour les céphalopodes, l’a été de façon erronée : si les rapports de l’IMROP, seule référence scientifique, avaient été pris en considération il n’y aurait tout simplement pas eu de quotas à distribuer parce que la ressource céphalopodière est en état de surexploitation aigus. L’IMROP dans ses recommandations appelle d’ailleurs à une diminution de 17% de l’effort de pêche pour cette ressource
  • L’affectation de ces quotas, qui n’auraient pas dus être attribués, ne s’est pas faite de façon transparente loin s’en faut : tous les quotas distribués n’ont bénéficié qu’aux proches du régime en contradiction flagrante avec le code des pêches et les règles édictées par l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Halieutiques à laquelle notre pays a adhéré
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