Centrafrique : l’échec sécuritaire du Haut-Mbomou

06/12/2025 – Nicolas Beau

Le dernier rapport de Crisis Group sur la République centrafricaine (RCA) dresse un constat implacable : l’intégration précipitée de la milice zandé Azandé Ani Kpi Gbé (AAKG) dans l’armée nationale a non seulement aggravé l’instabilité du Haut-Mbomou, mais a aussi mis en lumière les failles profondes du dispositif sécuritaire du pays.
La rédaction de Mondafrique 
Voici la dernière ne stratégie improvisée par le pouvoir centrafricain face aux groupes armés et dont les conséquences devraient être meurtrières. Créée en 2023 par des jeunes zandé pour contrer les rebelles peul de l’UPC, la milice AAKG a rapidement été courtisée par Bangui et ses alliés russes du groupe Wagner. En mai 2024, deux cents de ses combattants ont été intégrés dans l’armée nationale, opérant sous commandement russe.
Ce choix, censé renforcer la lutte contre l’UPC, s’est transformé en bombe à retardement : indiscipline, insubordination, violences contre civils peul et affrontements directs avec les forces régulières et les paramilitaires russes. Résultat : près de 200 morts et des milliers de déplacés en deux ans.
Les limites du partenariat avec Moscou
Le rapport souligne que cette crise illustre les limites du partenariat sécuritaire noué par le président Faustin-Archange Touadéra avec la Russie depuis 2018. Wagner, censé stabiliser le sud-est, a au contraire alimenté les tensions, multipliant exécutions sommaires, bombardements et représailles contre les populations locales.
L’armée centrafricaine, déjà fragilisée par des logiques identitaires et un manque de moyens, s’est retrouvée piégée dans une spirale de violences où ses propres alliés sont devenus des adversaires.
Douze ans après le coup d’État de 2013, la composition de l’armée reste marquée par des clivages communautaires. L’intégration de milices d’autodéfense, loin de renforcer la cohésion nationale, a accentué la fragmentation et sapé les principes de la Politique nationale de défense adoptée fin 2024, qui visait à bâtir une armée neutre et représentative.
Des risques majeurs à l’approche des élections
Si la sécurité s’est globalement améliorée dans certaines provinces grâce au redéploiement de l’État et à l’affaiblissement des groupes armés, le Haut-Mbomou demeure un foyer de tensions. Les crises régionales, notamment au Soudan du Sud, et les élections générales de décembre 2025 pourraient rallumer l’incendie.
Le rapport ne se contente pas d’appeler à des réformes techniques : il met en lumière la responsabilité directe du régime de Bangui dans l’aggravation des violences. Loin de bâtir une armée nationale, le pouvoir a choisi de jouer sur les divisions ethniques pour mieux régner, instrumentalisant les rancunes communautaires et intégrant des milices d’autodéfense selon ses besoins du moment.
En s’alliant tour à tour avec les combattants zandé, les paramilitaires russes de Wagner ou certains groupes armés, les autorités centrafricaines cautionnent de fait les exactions, massacres et atteintes aux droits humains commis contre les civils. Cette stratégie cynique, qui tolère les crimes pour briser toute contestation, transforme l’armée en un outil de domination identitaire plutôt qu’en une force protectrice.
Le rapport souligne que la RCA ne peut pas continuer à bâtir sa sécurité sur des alliances opportunistes et criminelles. La militarisation identitaire est une impasse qui fragmente davantage le pays et alimente la spirale de violences. À l’approche des élections, Bangui se trouve face à un choix clair : persister dans une politique de manipulation ethnique et de dépendance aux mercenaires étrangers, ou enfin investir dans une armée véritablement nationale, professionnelle et représentative de la diversité du peuple centrafricain.