Les élections législatives, un test démocratique pour le Sénégal

Rédigé le 31/05/2022
La redaction de Mondafrique

Les élections législatives auront lieu au Sénégal dans deux mois et demi, au centre des préoccupations des états-majors politiques et des conversations des Sénégalais. Le président Macky Sall laisse toujours planer le doute sur une nouvelle candidature à la présidentielle de 2024. C’est sans doute  le rapport de force politique de juillet prochain qui sera donc déterminant pour un éventuel 3ème mandat.

Depuis le début de sa deuxième investiture en février 2019, Macky Sall a toujours entretenu le flou sur sa décision de briguer ou non un troisième mandat. En décembre dernier, il faisait encore une réponse de normand sur RFI : « si je dis oui, le débat va enfler et on ne va plus travailler, il y aura de la matière pour les spécialistes de la manipulation et de l’agitation (…) si je dis non dans mon propre camp, les gens ne travailleront plus non plus.

L’avertissement des élections locales

Cette ambiguïté donne du fil à retordre aux Sénégalais et devient le sujet principal des discussions entre amis, en famille, dans les maquis. Ils s’interrogent ira, ira pas ? Les uns n’y croient pas : « il ne peut pas le faire, il mettrait le feu au pays », « personne n’acceptera ici, le Sénégal est un exemple de démocratie », « l’ancien président Wade a essayé, il s’est brulé les ailes ». Les autres pensent que c’est possible : « il a réussi à récupérer une grande partie des opposants, face à Ousmane Sonko, c’est jouable », « partir en 2024 alors que le pays va commencer la production de gaz du gisement de Grande tortue en 2023 ? Il va y aller ! » 

Les précédents en Afrique de l’Ouest entretiennent, eux aussi, l’équivoque et peuvent faire balancer Macky Sall dans un sens ou dans un autre. Faut-il suivre l’exemple d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, toujours bien assis dans son fauteuil ? Ou prendre le risque de subir le sort d’Alpha Condé en Guinée, placé en résidence surveillée après avoir subi les foudres d’un coup d’Etat ?

Pour Macky Sall, les législatives sont un test grandeur nature, un état des lieux de ses chances de réussite, les municipales de janvier dernier n’ayant pas vraiment répondu à la question. Les résultats ont été mitigés, opposants et pouvoir se sont attribués la victoire. D’un côté, la coalition Unis par l’espoir, du parti APR du président, a remporté la majorité des communes ; de l’autre la coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi, a raflé toutes les grandes villes, Dakar, Thiès, Ziguinchor. Ce fût un sérieux coup de semonce, d’autant que ces deux principaux adversaires, Barthélemy Diaz et Ousmane Sonko ont gagné respectivement Dakar et à Ziguinchor.

Des législatives en or…

Après cet avertissement, le président met toutes les chances de son côté. Comme partout dans le monde, le Sénégal souffre de l’inflation liée à la pandémie et à la guerre en Ukraine. Le gouvernement a donc décidé de bloquer les prix des hydrocarbures et de l’électricité et  a déjà provisionné une enveloppe de 100 milliards de CFA. Le 10 mai, le président a également lancé, en personne, un vaste programme pour aider les ménages les plus démunis à faire face à cette inflation. 542 956 ménages recevront une allocation exceptionnelle d’un montant de 80 000 CFA, l’équivalent de 120 euros. Une très belle somme dans un pays où le SMIC atteint à peine les 60 000 CFA et le salaire moyen 75 000 CFA. Coût total de l’opération 43,4 milliards de CFA…

La justice en embuscade

Macky Sall a un autre atout dans sa manche, Barthélemy Diaz et Ousmane Sonko ont tous les deux des affaires pendantes devant la justice. Le premier pour une sombre histoire qui date de 2011 et dont le jugement définitif est fixé au 18 maiLe second, pour une affaire de viol, dont les rebondissements agitent le Sénégal. Lors de son interpellation en mars 2021, le pays avait connu des troubles graves, les supporters de l’opposant criant à un complot visant à l’écarter de la présidentielle de 2024. Est-ce que ces hommes par ailleurs tout deux tête de la liste Yewwi Askan Wi aux législatives verront leur sort scellé par la justice avant le scrutin du 31 juillet ? La question reste en suspens…

Rififi dans l’opposition

Macky Sall dispose d’une autre carte dans son jeu et celle-ci lui est offerte par certains opposants. En effet, les désaccords se multiplient au sein de la coalition Yewwi Askan Wi. Barthélemy Diaz aurait composé sa liste sans se concerter avec certains poids lourds de la politique sénégalaise et ça tangue dans les rangs.

Enfin dernière surprise de taille, le retour d’Abdoulaye Wade qui redescend dans l’arène en prenant la tête d’une liste, Wallu Sénégal. L’ancien président fêtera ses 96 ans dans quelques jours, il n’est pas certain qu’il soit représentatif d’un changement en politique tant attendu par ses concitoyens.

Concernant l’élection présidentielle de 2024, le suspens continue donc, tous les paris restent ouverts…