France, les gilets jaunes existent, Mondafrique les a rencontrés !

Rédigé le 08/12/2018
La redaction de Mondafrique

En dépit des déclarations incendiaires du pouvoir à Paris, le mouvement des gilets jaunes ne faiblit pas en France. Notre confrère, Djaffer Ait Aoudia, a voulu comprendre ce qui fait la force de ce mouvement. Voici son témoignage.
Ce matin, je suis allé les voir. Je n ai pas mis le gilet, mais je suis allé voir les « jaunes ».
Je m’attendais à y trouver des affidés de  Marine Le Pen, des beaufs, des zedistes, des casseurs, et pire encore. Mais il n’en est évidemment rien.
J’ai vu monsieur et madame tout le monde. Des hommes, des femmes. Des fonctionnaires, des salariés, des indépendants, des intellos, des assistants de vie, des infirmiers et infirmières, des marchands de légume…
Et aussi, des blancs, des blacks, des beurs. Des ruraux, des citadins …
Leur nombre? On compte plus de gilets que de voitures. Lesquelles forment un bouchon de plusieurs centaines de mètres sur la chaussée.
Ambiance bon enfant
Là, un homme chante. Ici, un autre est affairé à désengorger la circulation. De temps en temps, un gendarme intervient. Ça discute, le plus souvent calmement. Quelques minutes après, il rejoint ses collègues, posés sur un rond point. Tous débonnaires mais remontés!
Partout, des pancartes, des slogans… Non, ils ne cherchent pas à gagner des millions d’euros, ni à accéder au rang de privilégiés. Ils ont une seul souci, une revendication, un espoir. Qu’on leur permette de se chauffer, de faire le plein, de payer la cantine des mômes, de se rendre à leur travail…  Question de survie. Et ils sont déterminés à aller au bout.
Samedi, ils avaient passé la nuit sous un froid mordant, certains se sont levés tôt. Dimanche, ils n ont pas fait la grasse mat. Ni pu se rendre à la messe, du moins pour les croyants.
Lundi, ils ne sont pas allés travailler. Ils sont revenus sur le front des péages. Car ils n’ont pas le cœur à dormir ou à prier. Leur survie est menacée, l’État s en tamponne.
Les « experts », spécialistes de rien
Pressé, j’ai décidé de continuer mon chemin et ils m’ont laissé passer. En ville, j’ai regardé la télé au café du coin. On parle d’eux. Enfin, on parle plutôt d’une femme blessée, d’un homme fauché par un automobiliste. On évoque des histoires de policiers et de gendarmes hospitalisés. Mais quand une journaliste de France 3 – peut être jeune, encore intègre – fustige des policiers violents envers des manifestants ( sur la rocade de bordeaux ), la présentatrice coupe les ondes, en plein direct.  Le serveur sursaute. Dépité, il bascule sur les chaîne en continu.
Qui voilà …  ? Ceux qui crèvent l écran, les fameux spécialistes de tout et de rien. Leur discours est un ballet verbal sans queue ni tête – ni « pointes». Ils périrent sur le « rien » et de « rien du tout ». Mais ils le répètent, le mouvement va disparaitre, il n’a pas de bases, ni de leaders. Les taxes ? « Nécessaires, forcément, pour l’économie du pays ».
Le gasoil moins cher en France !
Autrement dit, le combat des gilets jaunes est un caprice. D’ailleurs, « nous ne sommes  pas les pires en Europe. En France, le gasoil est moins cher, comparé aux pays voisins ». Ces pauvres en chasubles sont de pauvres individus, qui ont offert leur âme aux extrèmes,, gauche et droite confondues, mais sans même sans le savoir…
Bref, tout est fait pour minorer le mouvement et lui coller le déshonneur, le poujadisme, le lepénisme, le pétainisme. Et certainement pas l’étiquette de Français à bout de ressources.
J’ai coupé court à ce spectacle pathétique. De retour chez les gilets jaunes, j’ai eu comme un sentiment d avoir changé de planète.
Des petites gens.. .et alors?
Ils n’ont rien à voir avec ces mainstream médiatiques et politiques, qui sautent dans un jet, comme on traverse la rue pour louer un vélib. Ce sont des petites gens, au sens noble. Ils ont des salaire modeste. Parfois tout petits. Ils ont des charges explosives, insurmontables. Certains ont des retraites de moins de 800 euro. A vie. D autres moins.
Une femme m a ainsi raconte qu à la fin du mois, elle va fouiller dans les poubelles du supermarché, espérant y trouver une boîte de conserve ou un yaourt encore potable. Parfois, elle ne peut pas s y rendre, car le supermarché est loin de son domicile. Souvent, avant le 28 du mois, le réservoir de son véhicule est vide. Alors, elle se réfrène, se résigne. Et attend, attend … le début du mois d après, le ventre vide.

Devant la foule en gilets, elle raconte cette histoire en baissant les yeux . Elle a honte, honte de sa pauvreté.  Qui est elle ? C est une aidé soignante. Elle se lève tous les matins pour aller au travail.  Elle est comme vous. Elle est comme moi. Elle est comme tous ceux qui voient la france aller à vau-l eau et qui ont décidé de rompre avec leur pudeur pour changer les chosesAu rompt point, je les ai retrouvés à leur place. Fidèles au poste. Débout, soudés. Et toujours remontés contre le gouvernement, ses « mensonges et ses prétextes ». Plus particulièrement sa fameuse transition écologique. Pour eux, son opposition à la question sociale relève de la « manipulation. «  Car le gouvernement n a pas à cœur de régler la question du réchauffement, sinon Hulot n aurait jamais claqué la porte », me dit l un d eux. Un autre pointe, sans détour, les incohérences du système : « ils disent qu ils vont régler le problème du chômage, pour nous permettre d élever le niveau de vie. Mais … ils oublient une chose essentielle : tous ici, à l exception d une personne ou deux, nous travaillons et nous n arrivons pas à joindre les deux bouts »

Sortir la tète de l’eau

Croyez le. Croyez moi:  ils ne sont pas dupes. Ils sont sensés et soucieux de l’avenir. Seulement voilà : ils ne souhaitent pas que la lutte contre le réchauffement climatique soit menée au détriment de leur propre survie. Ils veulent sortir la tête de l’eau. Ils veulent stopper la chronique d un marasme sans frein.  Le « crime de la misère » généralisée, dont ils sont les victimes impuissantes.
« Quoi de plus normal … », étais-je sur le point de leur dire.  Finalement, j’ai rien dit. J’ai fait autrement.  Efficacement.
J’ai enfilé le gilet jaune !

Un papier signé Djaffer Ait Aoudia, Senior Reporter