Lettre à Macky Sall (2/2), colonialisme et esclavage vont de pair

Rédigé le 11/08/2018
La redaction de Mondafrique

Dans ce deuxième volet de sa lettre ouverte au président sénégalais qui vient de déclarer qu’ « avec la colonisation française, nous avons eu des choses positives », notre ami Yaya Sy, anthropologue et historien, rappelle que le colonialisme est indissociable de l’exclavage

Dès le début des temps modernes au XVe siècle, période concomitante avec la mise en esclavage des Nègres, l’Eglise catholique a accompagné avec bienveillance, voire avec une complicité intéressée, ostentatoire et jubilatoire, l’expansion coloniale scélérate de l’Europe en déclarant que nulle terre ne pourrait et ne devrait appartenir aux idolâtres, terra nullius, (d’Urbain II, remis au goût du jour ), la terre appartient au Christ déclare le Pape aux hordes colonialistes. Dès lors, les « Codes noirs » des Etats esclavagistes d’Europe fleurissent partout au XVIIe siècle, considérant les Nègres comme des objets animés et parlants, mais sans âme… (parce que non christianisés), que le maître par conséquent, peut et doit impunément, soumettre aux violences les plus humiliantes dans ses geôles secrètes et privées ne laissant derrière lui que quelques traces historiques à peine visibles, mais profondes et indélébiles.

La colonie est une exception juridique de sa métropole, son espace de dérogation... Ainsi, Louis XIII au moment d’autoriser l’introduction d’esclaves « idolâtres noirs » dans ses colonies considérées comme terres françaises… n’accepta en dernière instance qu’à la seule condition qu’ils soient christianisés. Néanmoins, il était pour lui, hors de question d’autoriser l’esclavage sur le sol sacré de la France métropolitaine.

Colbert et Louis XIV dérogèrent à la loi du royaume en promulguant le « Code Noir » pour les colonies exclusivement et en faveur des colons, bien sûr avec l’aval et la bénédiction du Pape.

Sous Louis XV, on introduisait des esclaves accompagnant leurs maîtres, mais dès qu’ils foulaient le « sol sacré » du royaume de France, ils devenaient des employés de maisons libres, mais sujets du roi comme tous les autres… car, ils étaient en principe déjà christianisés de force dans les colonies…

Napoléon dérogea à loi du 4 février 1794 votée par la Convention qui abolit l’esclavage dans la France et dans les colonies, en le rétablissant le 20 mai 1802, sans le mentionner explicitement dans le Journal Officiel…

Charles X, le 27 avril 1825, menace Haïti indépendante depuis 1804, de rétablir l’esclavage si la Première République noire n’indemnise pas les colons esclavagistes chassés du pays. Il met l’ile sous la menace d’une armada de 14 navires de guerre exhibés dans la rade de Port-au-Prince. Ainsi, le roi de France impose une rançon de 150 millions de francs or (un an de produit national) pour « octroyer » l’indépendance à Haïti qui avait arraché sa liberté de haute lutte avec plus de 100 000 (cent mille) esclaves morts au combat et des centaines de milliers de blessés. Pourquoi le Roi n’exigea t-il pas le remboursement des trésors arrachés à la noblesse et au haut-clergé par la Révolution française ?

Signalons l’installation du bagne dans la Guyane française (1852-1938) loin de la terre de France.

Sous la IIIe République, les Algériens et les juifs pour être citoyens français à part entière, devaient subir l’humiliation de démarches sélectives et discriminatoires interminables, même si les juifs ont fini par être déclassifiés « indigènes ».

Quant aux indigènes et sujets africains, ils ont vu la valeur de leur bulletin de vote réduit de moitié par rapport à celui d’un citoyen français (sauf pour les quatre communes du Sénégal qui comptaient très peu de Métropolitains), donc un Français = deux Africains jusqu’à la loi Lamine Guèye. C’était le franc CFA de la couleur de peau…

La loi sur les travaux forcés perdura jusqu’en 1946 en AOF et AEF malgré les multiples protestations et condamnations de la France par la Société des nations depuis sa création en 1919 à Versailles.

En novembre et décembre 1944, c’est le traitement « spécifique » des soldats coloniaux, qui a déclenché la révolte des tirailleurs africains rapatriés de Morlaix à Thiaroye causant officiellement 70 morts et autant de blessés.

Le même scénario de trahison envers les soldats coloniaux s’est reproduit en 1959 avec la « cristallisation » de leurs pensions de retraites qui étaient déjà inférieures à celles de leurs compagnons d’armes de la France métropolitaine pour les mêmes services rendus à la Nation, ; mais elles étaient déjà inégales selon chaque ex-colonie… (cf. GISTI, revue N°56, mars 2003.).

Plus près de nous, on n’a pas fini d’évaluer les effets des essais nucléaires aériens et souterrains dans le Sahara algérien de 1960 à 1966 sur les hommes et l’environnement ?

De même, les essais thermos-nucléaires aériens et souterrains en Polynésie dite française (de juillet 1966 à janvier 1996), où les autorité françaises jurèrent la main sur le cœur, qu’ils sont totalement inoffensifs ; la suite ne fut, et n’est encore que mort et désolation pour les hommes, la faune et la flore.

En Martinique et en Guadeloupe le chlordécone fut autorisée entre 1990 et 1993 par dérogation, alors qu’il était interdit aux USA depuis le début des années 1970 et en France métropolitaine en 1990. Aujourd’hui plus de 90 % de la population des deux îles est empoisonnée… de même que les sols, les productions agricoles, les ravines, les rivières, la mer, la faune et la flore, etc. pour plus de 600 ans.

De surcroît, récemment, l’UE a autorisé, toujours par dérogation, pour les fruits et légumes vendus sur place, des doses 20 fois supérieures à la limite autorisée… c’est le droit explicite de décimer les populations.

Il est par conséquent légitime de se poser la question de savoir si les départements d’outre-mer sont toujours considérés comme une « terre de France » ou des champs d’expérimentation coloniale ? Tous les Français dans un élan de solidarité nationale doivent y songer ! Il faut assurer l’intégration et la « continuité » territoriales du pays pour mieux juguler les injustices, les comportements d’un autre temps, doublés du coût élevé des produits de base indispensables à la vie.

Ces quelques exemples montrent que la loi applicable à la France métropolitaine a toujours généré dans les colonies, soit une loi spécifique, soit des dérogations subtiles, hypocrites, parfois dangereuses ou criminelles pour les populations autochtones. Dans le principe comme dans la jurisprudence, le droit est, et a toujours été à géométrie variable entre la France et ses colonies, que ce soit sous l’ancien Régime, la République, le Consulat, l’Empire voire l’Union Européenne et son pincipe de subdiarité… (décisions qui s’imposent aux Etats dans certains domaines)

Mais, pour ne pas se perdre dans cette jungle et ses dédales de mystifications idéologiques, et juridiques, il convient de commencer par ce que n’est pas la colonistion et ce qu’elle ne pourra jamais être, selon Aimé Césaire : « ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du Droit » (ibid. p.9).

Il en va exactement de même chez les envahisseurs arabo-musulmans qui se sont, soi-disant appuyés sur les « textes sacrés » interprétés et instrumentalisés par des assoiffés d’or et de sang qui se répandirent hors d’Arabie pour commettre leurs forfaits au nom de Dieu en pervertissant Sa parole.