L’offensive de charme algérienne en direction des Etats Unis

08/02/2019 – Nicolas Beau

Aussi bien le clan Bouteflika que le chef d’Etat Major, Gaïd Salah, font les yeux doux aux Américains. Sur fond de contrats gaziers et militaires. 

Une enquête de Mondafrique

Depuis quelques mois, Alger a lancé un grand retour sur la scène diplomatique en direction de Washington. Tout dernièrement encore, le ministre des Affaires Etrangères et homme de confiance de Bouteflika, Abdelkader Messahel, était reçu en grande pompe à Washington.

Le pouvoir algérien appuie sa démarche par une relance des échanges de vue et des projets de contrats notamment dans le secteur de la défense et du pétrole. Et cela marche!

Lobbying auprès des amis de Trump

Du coté de la Sonatrach, on fait les yeux doux à Washington depuis belle lurette. Abdelmoumen Ould Kaddour, Président Directeur Général de la société publique d’hydrocarbure, au mieux avec les Américains, avait été nommé par Bouteflika notamment en raison de la confiance que lui faisaient les Américains. Un exemple parmi d’autres, il avait fait appel en septembre 2018, au service d’une agence de lobbying américaine : International Policy Solutions (IPS) afin d’attirer les potentiels partenaires industriels américains vers le marché pétrolier algérien.

Le lobbying algérien passe nécessairement par l’amélioration des rapports avec l’administration Trump. le 10 octobre 2018, l’ambassadeur d’Algérie aux Etats-Unis Mr Madjid Bouguerra a choisi le lobbyiste David Keene, proche de John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump et ancien président de la puissante association National Rifle Association (NRA), pour défendra les l’image d’Alger sur le plan politique et économique.

Enfin, en sommeil depuis plusieurs années, le contrat de lobbying que l’ambassade d’Algérie avait signé avec Foley Hoag pour défendre la position de l’Algérie sur l’autodétermination du Sahara occidental, a été réactivé en avril 2018.

 Les sirènes pétrolières, forcément

Le Ministre Mustapha Guitouni, ministre de l’Énergie, Mr Madjid Bouguerra, ambassadeur d’Algérie aux États-Unis d’Amérique, ainsi que le PDG de Sonatrach M. Abdelmoumen Ould Kaddour assisteront Forum sur l’énergie États-Unis-Algérie 2019 qui se tiendra le 7 et 8 mars 2019, à l’hôtel The Post Oak du centre-ville de Houstondans l’Etat du Texas.

Sonatrach, qui entend développer l’activité de gaz de schiste, a annoncé le 14 janvier 2019 la création avec le géant américain ExxonMobil d’une joint-venture spécialisée dans l’extraction de gaz de schistes.

D’ailleurs c’est au cabinet américain Curtis, Mallet-Prevost, Colt & Mosle qu’est revenue la mission d’élaborer la nouvelle loi ‘’algérienne’’ sur les hydrocarbures. Il faut s’attendre à ce que la révision de la loi sur le pétrole aille dans un sens favorable aux majors américaines.

Transmise aux services du premier ministère au début du mois de Février 2019, cette loi ne sera pas adoptée avant la proclamation des résultats de la présidentielle algérienne.

Par ailleurs un voyage d’affaires a été organisé entre le 14 et le 17 janvier 2019 par le Forum des chefs d’entreprise (FCE) d’Ali Haddad, avec l’aide de l’US-Algeria Business Council (USABC) d’Ismael Chikhoune.

Cette rencontre a été préparé par un ex-diplomate bosniaque : Sasha Toperich et a constitué une opportunité pour les hommes d’affaires algériens de présenter, à certains membres du congrès américain, le rapport Algeria and Transatlantic Relations qui insiste sur la coopération anti-terroriste, le développement des relations d’affaires, et le rôle de l’Algérie par sa qualité de pilier de la stabilité dans la région.

Des achats d’armes comme jamais

En matière d’achats d’armes, le Ministère de la Défense, sous l’impulsion de Gaïd Salah, privilégiait jusqu’à présent la Russie,. Les militaires algériens se tournent également vers les Américains pour s’approvisionner en équipements militaires.

Déjà en 2013, Après le drame d’In Amenas, l’Armée nationale populaire (ANP) avait sollicité la première entreprise américaine et mondiale de défense et de sécurité, Lockheed Martin, pour assurer la surveillance aérienne de ses frontières et des infrastructures pétrolières de la Sonatrach.

Pour un montant estimé à près de 400 millions de dollars Lockheed Martin est sur le point de vendre cinq aérostats de surveillance de surveillance ultrasophistiqués dotés de radars et de caméras à ultra-haute définition.

Ce contrat en négociations très avancées, est quelque peu ralenti par les différents changements au niveau de l’Etat-major de l’armée.

Raytheon, entreprise américaine qui est principalement spécialisée dans l’aérospatial et les systèmes de défense et d’électronique, a été retenu pour la fourniture de trois avions de surveillance ultrasophistiqués de type Gulfstream 550 pour un marché de près d’un milliard de dollars.

Enfin, les géants de la défense américain Northrop Grumman, Harris ont fait une étonnante incursion, en empiétant sur le russe Rosoboronexport, dans le marché de radars militaires lancé il y a moins de deux années.

L’après Bouteflika en cause

L’administration Américaine, qui depuis toujours soigne ses relations avec l’Algérie, un des rares pays stables de la région, suit de près la période qui précède les élections présidentielles d’avril 2019. Il est certain qu’aujourd’hui Washington, qui comme toujours a plusieurs fers au feu, pèsera d’avantage que Paris dans le processus démocratique algérien?

Les Américains préparent surtout l’après Bouteflika. Même si Abdelaziz Bouteflika est élu, il ne pourra pas, au vu de son état de santé dégradé, assurer un cinquième mandat. Et si le scénario de son retrait se concrétisait d’une façon ou d’une autre, une crise s’ouvrirait qui inquiète naturellement les chancelleries occidentales.