Gabon, le vernis démocratique d’une junte militaire

28/10/2018 – La redaction de Mondafrique

Le bilan d’Ali Bongo qui vient d’être victime, vendredi 27 octobre, d’un grave AVC, est juste calamiteux. Une analyse deJocksy Ondo- Louemba

Le premier tour des élections législatives, qui a lieu au Gabon le samedi 6 octobre, constitue la consécration d’Ali Bongo. Non pas, naturellement, comme dirigeant éclairé et grand bâtisseur, mais plutôt comme le maître d’un jeu politique qui puisse donner au régime l’apparence d’une démocratie.

L’organisation des élections gabonaises  a pris deux ans de retard au regard des dispositions constitutionnelles du Gabon. Ce délai a été en effet nécessaire à Ali Bongo pour apaiser les esprits, comme le faisait Papa Omar, et acheter opposants et électeurs. Les principaux soutiens de Jean Ping, sonprincipaladversaire lors de l’élection présidentielle de 2016, se sont ralliés au régime, qu’il s’agisse deMoukagni Iwangou, président d’Union et Solidarité,  devenu ministre de l’enseignement Supérieur ou Michel Menga, membre fondateur pourtant du mouvement dissident du PDG, le parti au pouvoir

   En attendant la banqueroute

Ceux là même qui avaient dénoncé, après les présidentielles, « le coup d’état électoral » et juré qu’ils ne « cautionneraient pas cette nouvelle imposture » de ce « régime aux abois », participent  aujourd’hui à des  élections législatives …perdues d’avance.

Seul Jean Ping, à qui le régime interdit de quitter le pays malgré sa notoriété internationale et les appuis qu’il possède à Paris, refuse de participer à ce qu’il considère comme une mascarade électorale. Après la sanglante répression de 2016 et face aux décisions de l’Union Européenne et de la CPI de na pas se saisir du dossier de la présidentielle gabonaise, son objectif est de faire descendre les gabonais dans les rues. Mais dans un contexte de faillite budgétaire, où les salaires des fonctionnaires ne sont plus payées depuis des mois, les déchets laissés sur le pavé, les infrastructures dégradées et les inondations de ces derniers jours dévastatrices, l’objectif de Ping est de ses partisans est d’attendre une banqueroute programmée, qui emporterait définitivement Ali Bongo et les siens.

                                             Les achats de vote

Avec une créativité dans la corruption qu’il faut saluer, le régime gabonais a réussi à trouver des fonds pour arroser les électeurs. Un collectif qui organise de nombreuses manifestations en Europe a dénoncé la façon dont le gouvernement gabonais aurait même détourné, ces huit dernières années, une grande partie des 800 millions d’euros d’aides de l’Agence française de Développement (AFD), le bras armé du Quai d’Orsay en matière de développement. Avec de tels fonds, le pouvoir s’est enrichi et a finacé à la marge ses frasques électorales.

La manne financière est d’abord distribuée aux partis politiques. Le montant total du butin électoral est de 797.200.000 de Francs CFA (1.206.186 Euros), ce qui représente beaucoup d’argent dans un Gabon où l’on manque de tout. Les mouvements politiques sont les premiers servis. Le parti au pouvoir, le PDG, touche 96, 9 millions de Francs CFA (146.612 Euros), Les Démocrates de l’opposition) se contentent de  58,4 millions de Francs CFA (88.360 Euros).

Alors qu’on ne cesse de parler d’une austérité nécessaire, la débauche de moyens par le Parti au pouvoir est choquante. Chacun de ses 138 candidats mène une « campagne à l’américaine » en distribuant à tout va toutes sortes de gadgets tee-shirts, casquettes, sac à dos. Quant aux meetings, et réunions politques on y trouve nourriture en abondance et la boisson y coule à flots. Sans parler de la distribution de vivres aux populations appauvries par les « candidats » du PDG

De l’argent liquide

Les  nombreuses distribution d’argent liquide aux « militants » et « sympathisants » donnent parfois lieu à des foires d’empoigne filmées et largement relayées sur les réseaux sociaux.

Sans parler des achats de carte d’électeurs pour 30 ou 20.000 Francs CFA ( 45 ou 30 euros) – parfois moins – dans le cadre d’un trafic de cartes d’électeurs en vue de « garantir » l’élection des candidats du parti au pouvoir et de la « majorité pour l’émergence ».

                                       L’opposition forcément perdante

La victoire de l’opposition gabonaise qui a choisi de participer à ces élections couplés d’Octobre 2018 est mathématiquement impossible: des candidats pour la moitié des sièges, et des partis trop nombreux pour avoir la moindre chance de trouver les termes d’une alliance.. Enfin la dernière Réforme de la constitution du Gabondonneen cas de « cohabitation » les pleins pouvoirs àAli Bongo, transformant de fait le premier Ministre en « simple collaborateur». Le système « démocratique » est cadenassé.

Dans quelques jours, le Gabon aura peut-être « un gouvernement d’ouverture » avec -qui sait?- un premier ministre issu de l’opposition. Puis Ali Bongo, seul maître du jeu, assistera dans son palais de marbre et de dorures à l’hommage de son nouveau gouvernement. Les ministres une prestation de serment, dite « hommage de lige », dans laquelle ils jurent, bras droit tendu, fidélité au maître du Gabon. Lequel, assis face à eux,  prenant acte par un légersigne de tête qui se veut royal.

Dans son fauteuil de velours rouge chargé de dorures et frappé au armoiries du Gabon, Ali Bongo joue au Roi, fantasme enfantin d’un monarque de pacotille .