« Le business du terrorisme » (1/5), des Etats faillis

22/08/2018 – La redaction de Mondafrique

Les groupes terroristes sont assis sur rune mine d’or de près de 180 millions d’euros grace notamment à la complicité de certains chefs d’état comme le nigérien Issoufou ou le mauritanien Aziz

Depuis leur regroupement dans une structure commune appelée « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) » dirigée par Iyad Ag Ghali, les groupes terroristes ont repris du terrain avec des attaques spectaculaires contre les armées régulières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, les casques bleus et même les soldats de Barkhane à Kidal ou à Gao. Cette bonne santé retrouvée des groupes terroristes tient beaucoup à leur  surface financière- soit 180 millions d’euros, selon une estimation des Nations unies.

Pour l’essentiel, la manne financière dont dispose les terroristes agissant dans les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) vient du paiement des rançons : entre 2010 et 2015, au moins 80 millions d’euros de rançons auraient été versés par les Etats occidentaux en échange de la libération des otages.

Rien que pour les sept employés du groupe français du nucléaire Areva et ses sous-traitants enlevés en septembre 2010 à Arlit, au nord du Niger, 42 millions d’euros, dont 30 payés par l’Etat français, auraient été versés aux preneurs d’otages sous forme de rançon, avait confié Pierre-Antoine Lorenzi, ancien haut gradé de la DGSE à Médiapart.

L’aide des narco-trafiquants

A cet argent obtenu du paiement des rançons, s’ajoute les « droits » payés aux terroristes par les narco-trafiquants. En effet, grâce à un deal, le trafic de drogues, pourtant interdit par l’islam, n’a jamais cessé dans le nord Mali, même pendant que les organisations terroristes avaient entièrement pris le contrôle de cette partie du pays.

Débarquée sur les côtes ouest-africaines par bateaux ou par les airs (l’avion d’Air Cocaïne qui s’est crash en 2009 près de Gao, au Mali), la drogue remonte au Maghreb (Algérie, Libye, Maroc) en passant par les pays du Sahel (Mali, Niger, Mauritanie). Elle emprunte la porte de Salvador (frontière entre la Libye, le Niger et l’Algérie) pour arriver en Europe. Dans tous ces Etats de passage, les trafiquants disposent de relais au plus haut de l’Etat.

Il n’est un secret pour personne que Cherif Ould Taher, homme d’affaires visé par une fiche rouge d’Interpol pour trafic de drogue, a ses entrées à la présidence de la Mauritanie où il est reçu à bras ouverts par le président Abdel Aziz. Son homologue nigérien Mahamadou Issoufou n’en a pas fait moins : en 2016, il était présent à Agadez (environ 1000 Km de Niamey) aux obsèques de Chérif Abidine richissime hommes d’affaires surnommé « Chérif cocaïne » en raison de l’origine douteuse de sa fortune.

Double jeu d’Aziz et Issoufou

Pourtant considérés comme de « bons élèves » de la lutte contre le terrorisme, ces deux chefs d’Etat font mine d’ignorer les liens entre les narco-trafiquants et les organisations terroristes. En réalité, ils jouent sur deux tableaux : un discours marqué par une tolérance zéro à l’égard des terroristes destiné à la consommation occidentale et une connivence avec des hommes d’affaires ouvertement impliqués dans les trafics de drogues pour bénéficier de leur largesse.

Avec la manne financière qu’elles ont amassée, les organisations terroristes sécurisent leur approvisionnement en armes et autre équipement militaire de haute gamme achetés, notamment, auprès de trafiquants qui se sont approvisionnés en Libye après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Elles en profitent pour continuer à faire du recrutement grâce au terreau favorable qu’elle trouve au nord Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Tchad.

Une jeunesse pervertie

Faute de perspectives proposées par des Etats défaillants, une partie de la jeunesse de ces pays-là se laisse séduire par les sirènes des espèces sonnantes et trébuchantes proposées par les mouvements terroristes. Au nord Mali, la pose d’une bombe artisanale sur le passage des militaires de l’armée régulière, des casques bleus ou des soldats de l’opération française Barkhane est rémunérée 200 dollars par les groupes djihadistes, puis 200 dollars supplémentaires pour chaque personne tuée par l’explosion. Le « trésor de guerre » des organisations terroristes leur sert aussi à monter des opérations loin de leur base au nord Mali avec une chaîne de continuité logistique que ne réussiraient pas les armées régulières des pays concernés. C’est ainsi que le groupe Al Mourabitoun de Mokhtar Belmokhtar a pu frapper la cité balnéaire ivoirienne de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, en mars 2015, faisant 22 morts. La capitale burkinabé Ouagadougou a également été frappée en janvier 2016, en août 2017 et en janvier 2018 par des commandos venus du nord Mali.

Profitant de la mal gouvernance des Etats et de leurs capacités financières, les groupes terroristes font des offres de service aux populations en matière de sécurité, de justice, d’approvisionnement en produits alimentaires. Sur le fleuve Niger, à la frontière entre le Mali et le Niger, le djihadiste malien Amadou Kouffa, fondateur du Front de libération du Massina (FLM), a organisé en 2017 une opération de transhumance des animaux « mieux réussie » que si cela été fait par les services de l’Etat malien, selon les bénéficiaires.

Voulue à marche forcée par Emmanuel Macron, la force conjointe du G5 Sahel ne sera pas le remède miracle contre le terrorisme. Les spécialistes de la région et du terrorisme sont unanimes : la réponse militaro-sécuritaire ne suffira pas à endiguer le fléau. Il faut lui ajouter le développement et la bonne gouvernance. Sur ces deux derniers points, les pays concernés sont loin du compte.