Centrafrique, Touadera boude l’Union Africaine

04/07/2018 – Nicolas Beau

L’absence de la République centrafricaine au Sommet de l’Union Africaine à Nouakchott les 1er et 2 juillet illustre l’isolement international du président Touadera 
Pourquoi le président Touadera ne s’est-il pas rendu à Nouakchott? Le thème de la Lutte contre la corruption, retenu pour le sommet de l’Union Africaine en Mauritanie, ne fait pas partie de ses priorités. Les questions du Sahel, de la Libye et du Sahara occidental n’appartiennent pas d’avantage à ses  préoccupations. Le budget de l’Union africaine et la taxe sur les importations qui devrait financer la lutte anti terroriste ne concernent pas d’avantage la Centrafrique, soutenue à bout de bras par la communauté internationale.
L’ habituel plaidoyer du président Touadera pour faire rentrer des financements extérieurs n’aurait eu aucun écho à Nouakchott. On ne tend plus la sébille avec Kagame et Moussa Faki Mahamat aux commandes de l’Union Africaine.
De surcroît la ville de Nouakchott n’offre pas les lieux de détente qu’affectionnent tant le président, son directeur de cabinet, Firmin Ngrebada et son conseiller très spécial Fidèle Gouandjika. Ils préfèrent les palaces de Sotchi, Bruxelles, Anvers, Rome, Paris, New York et Genève.
Il lui reste à être être transporté gracieusement en Russie, en Israël et bientôt en Chine. Mais à quel prix pour le pays ?
Un Président à bout de souffle
La paranoïa aiguë qui règne au Palais de la Renaissance, est entretenue par son équipe rapprochée qui a déjà connu le sauve-qui-peu avec le coup d’État de Djotodia, en mars 2013. En Centrafrique, lorsqu’un président en grande difficulté s’absente, le risque zéro n’est pas garanti. Bokassa était en Libye et Patasse au Niger lorsqu’ils furent renversés. Certes les parapluies onusien et russe protègent le régime, mais sont-ils imparables ?
Les conseillers russes ne voyaient pas également d’un bon oeil ce déplacement à Nouakchott où Faustin-Archange Touadera aurait pu essuyer des critiques voire des récriminations. L’ami de Sani Yalo, mis en cause dans l’affaire du coup d’État contre la Guinée Équatoriale, aurait dû croiser les pas du président Teodoro Obiang Mbassogo qui ne manque aucune occasion de se plaindre d’un homme qu’il a tant aidé financièrement et qui , encore récemment, a contribué à former les Forces de l’ordre centrafricaines. De même revoir Idriss Deby Itno qui vient de faire transférer le siège de la Cemac de Bangui à Malabo n’aurait pas été agréable, d’autant que les dégâts collatéraux de l’anarchie centrafricaine atteignent la zone sud du Tchad. IDI est remonté contre Touadera. Ce n’est pas bon signe. A Nouakchott, Denis Sassou Nguesso lui aurait probablement demandé de faire cesser les attaques contre Karim Meckassoua et d’être plus énergiques avec les mouvements rebelles. Le président Kagame a apprécié modérément le remplacement, sans concertation, de ses militaires de la garde présidentielle et lui aurait probablement demandé de prendre enfin le leadership de son pays.
L’Union africaine aurait constaté la trop faible implication du président Touadera dans la mise en oeuvre de la Feuille de route de sortie de crise. Enfin, se trouver à Nouakchott en même temps que le président Macron et son ministre Le Drian pouvait ne pas être très cordial. Le 6 et 7 juin 2018, Jean-Yves Le Drian s’est rendu à Brazzaville puis à Ndjamena, en passant au dessus de la Centrafrique pour s’inquiéter des développements de la crise centrafricaine. Quant au président Macron, son agenda mauritanien était complet et tout a déjà été dit. Le serrage de mains aurait été simplement plus ferme.