Tunisie, Youssef Chahed disculpe un ancien gendre de Ben Ali

11/01/2019 – La rédaction de Mondafrique

Le Premier ministre tunisien Youssef Chahed qui se veut le chevalier blanc de la lutte contre la corruption est mis en cause pour le soutien qu’il apporte au dossier judiciaire d’un ancien gendre de Ben Ali et puissant homme d’affaires, Marwan Mabrouk.

Après la révolution tunisienne de 2011, l’Union européenne a gelé les fonds de quarante-huit hommes d’affaires liés à la corruption endémique du régime de l’ancien président Ben Ali, dont celui de Marwan Mabrouk, l’époux d’une des filles de l’ancien dictateur et le propriétaire de plusieurs sociétés notamment Orange Tunisie et Monoprix.

La fermeté de Bruxelles

Depuis, le gendre de l’ancien président a multiplié les recours auprès de l’Union européenne pour lever la confiscation de ses biens lors de trois années consécutives. Trois fois, l’Union européenne a rejeté ses demande trois fois. Pourtant Marwan Mabrouk dont la famille est traditionnellement liée aux intérêts de la France en Tunisie, dispose d’appuis à Paris. Hakim El-Karoui, proche conseiller du président français Emmanuel Macron et tunisien d’origine, est administrateur d’Orange Tunisie dont Mabrouk est justement le président. Les liens entreles deux hommes sont anciens. Ainsi à la fin de règne du Ben Ali en 2011, Hakim El-Karoui avait prodigué ses conseils à l’ancien dictateur à la demande de son ami Marwan.

L’échec des recours auprès de la commission européenne a conduit  l’homme d’affaires tunisien à modifier sa stratégie en faisant appel au soutien du Premier ministre actuel, Youssef Chahed, qui va mettre tout son poids dans ce contetieux sensible

Le soutien de Chahed

A l’automne 2018, celui qui était alors ministre des domaines de l’Etat, Mabrouk Korchid et qui présidait la commission des litiges, est chargé par Chahed de demander la levée du gel européen. L’objectif était que la démarche soit faite par les autorités concernées par ce dossier. Hélas pour l’homme d’affaires, la tentative s’est heurtée au rejet des membres de la commission tunisienne.

Du coup, Youssef Chahed tient le 22 novembre 2018, le jour de la grève général de fonction publique, un Conseil des ministres, afin de discuter à nouveau du dossier Mabrouk. La requête de l’homme d’affaires auprès de l’UE est appuyée alors officiellement par la Tunisie. Le gouvernement justifie son soutien par la nécessaire relance de l’activité économique en Tunisie et de l’appui indispensable des milieux d’affaires. Autant d’arguments qui auraient du pousser Youssef Chahed à plaider pour l’ensemble des hommes d’affaires dont les avoirs étaient gelés par l’Unu-ion Européenne alors qu’il s’est mobilisé seulement pour Marwan Mabrouk.

Cette décision a provoqué des réactions vives au sein de la société civile. Une association locale d’anti-corruption I-WATCH a lancé une série d’enquêtes expliquant les relations entre le chef du gouvernement, possible candidat à la présidence 2019, et l’homme d’affaires Marwan Mabrouk. Ces activistes ont déposé une plainte contre Youssef Chahed, l’accusant d’utiliser son influence pour servir les intérêts de ses amis. La commission des finances de l’ARP (Assemblée du peuple) a rencontré I-Watch pour les entendre à propos du dossier de Marwan Mabrouk.

Le débat s’enflamme

Alors que se profile la prochaine élection présidentielle de 2019, la bataille des boules puantes judiciaires a déja débuté. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a dénoncé la diabolisation des hommes d’affaires lors d’une interview tenue le 21 décembre sur la chaîne ATTESSIA. Quant à Marwan Mabrouk, il a promis, par l’intervention de son avocat, de porter plainte contre I-WATCH qu’il a accusé de servir certains agendas politiques.

À Bruxelles, trois commissions sont saisies dont une, celle qui supervise la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, a approuvé la demande. Compte tenu des appuis dont bénéficie le Premier ministre tunisien à Paris et à Bruxelles, la décision finale pourrait bien tourner en faveur de Marwan Mabrouk.